La civilisation qui a façonné notre monde
"Chaque fois que nous employons les mots de la politique, de la religion, de la vie publique, nous rendons inconsciemment un hommage à la Rome antique". Ce livre est en effet à la fois un rappel dument circonstancié de ce fait et aussi une histoire vivante, à travers les hommes qui l'ont marquée, de cette Rome qui nous fascine encore. Il se lit comme un roman, dont nous attendons toujours la suite, même si nous croyons la connaître. Et il nous montre à chaque instant combien cette civilisation a contribué à la fondation de la nôtre et la sous-tend encore, dans ce qu'elle a de beau et de moins beau.
Combien de structures humaines auront vécu près de 2000 ans, avec un idéal universel, comme l'a été Rome ? Son histoire, depuis la fondation mythique par le Troyen Énée jusqu'à sa chute finale en 1453, a certes été mouvementée et ce livre en rappelle brièvement ce qu'en furent les moments essentiels et les hommes décisifs. Cité, Royauté, République, Empire, voire théocratie ou autocratie, auront été ses choix de gouvernement successifs liés en grande partie à son évolution, à sa taille et au mouvement des idées. Pour autant, Rome sera restée Rome dans sa vision universelle qu'un monde en paix, mais divers, est possible. N'est-ce pas précisément ce que nous avons cru, il y a peu, à la chute du mur de Berlin ? Serions-nous encore romains sans le savoir ?
On ne peut qu'être frappés par le nombre de concepts d'organisation des sociétés inventés par Rome, expérimentés, et qui aujourd'hui encore structurent nos propres collectivités. Citons, par exemple, cette distinction fondatrice entre l'intérêt privé et l'intérêt général, ou la représentation des classes pauvres par les tribuns de la plèbe, ou une forme de laïcité que le monothéisme a voulu détruire, ou bien le "Corpus iuris" de Justinien, fin 5e siècle, qui inspire encore nos lois. Certes, Rome ignorait le concept d'égalité des droits qui nous anime aujourd'hui parfois jusqu'au fanatisme, mais elle a su construire la notion de citoyen responsable de la vie publique, que nous avons presque perdue de nos jours. C'est tout cela que ce livre montre et fait vivre par des exemples qui nous parlent.
Rome a su faire vivre ensemble des religions, des mœurs, des peuples infiniment divers, autrement que par la terreur et la violence, bien que capable d'y faire recours le cas échéant. Une forme de liberté existait alors chez les peuples conquis qui, même lorsqu'ils devinrent ses conquérants, se pensaient encore comme romains. Rome a su construire la première organisation mondiale de l'Occident. C'est exactement ce qui nous manque aujourd'hui, face à un monde où les décisions majeures attendues dépassent largement le niveau des nations.
Alors, à quand la prochaine Renaissance ? Un livre remarquable qu'il faut lire, car, outre le roman passionnant de cette Rome inusable dans ses avatars, c'est de la capacité des hommes, tels qu'ils sont, à vivre ensemble qu'il parle, c'est-à-dire de nous, aujourd'hui.
Harper Collins (2023), 333 pages