Ce merveilleux livre, emprunt de poésie, ne nous convie pas à nous immerger dans les rêves d'un poème, mais nous plonge avec une infinie sensibilité dans la réalité et son articulation profonde. Il parle aussi bien de libération nationale que d'amour, de la beauté du monde comme de sa violence, mais toujours avec un style, des mots, qui vont au fond des faits et nous y entraînent dans la soie de cette écriture poétique.

 

Le livre nous touche d'abord par ce qu'il décrit, qui tourne autour de la libération du Mozambique de la domination portugaise, ni meilleure, ni pire qu'une autre, mais qui n'était plus acceptable. Mais il n'est en rien une analyse politique ou historique de ces événements. ll nous touche surtout en nous parlant des hommes, blancs ou noirs, dominants ou dominés, pétris de ces failles dont nous sommes tous faits, de nos illusions et de nos ignorances, de notre incapacité à projeter nos vies autrement que dans des rêves que nous sommes bien incapables de suivre.

Mais il fait tout cela dans une langue ouverte et douce, où chacun des personnages saura trouver sa place, quels que soient son sexe, sa couleur, son genre, sa culture. Et, grâce à cette poésie du langage qui ouvre silencieusement des portes sur une réalité enfouie sous les apparences, il s'insinue beaucoup plus profondément dans la réalité humaine que n'ont su le faire des analystes diserts comme Proust.

L'intrigue du roman est menée d'une manière originale, en courts chapitres, sans pour autant en rendre la lecture difficile. Un poète retrouve au cours d'une invitation la ville du Mozambique où il a vécu enfant. Il y redécouvre la mémoire de son père, grand poète, ainsi que les souvenirs des violences de la guerre de libération et de ses excès. Mais il y retrouve aussi le souvenir des hommes qui ont jalonné sa vie et celle de sa famille et à qui il doit tant.

Un livre superbe, profondément humain et magnifiquement écrit et traduit.

Métalié (2022), 350 pages