L'histoire fort surprenante de Clara, jeune fille de 17 ans ayant subi un accident de voiture, est la trame majeure de l'intrigue. Se réveiller d'un coma de 8 mois et se retrouver à disposer de l'étrange don de pouvoir se promener dans une partie du futur des autres est en effet peu banal. C'est à la fois un outil permettant peut-être d'aider certains, mais c'est aussi une importante servitude qu'il faut apprendre à maîtriser, à la fois face à l'insistance obscène de certains à connaître leur avenir, mais aussi face à la dangerosité pour d'autres de révélations qui peuvent les détruire.
Mais, avant tout, il faut que le lecteur accepte l'hypothèse qu'un tel don puisse exister, ce qui fut pour moi, difficile. Mais un roman peut bien proposer un rêve ?

 

 

Ce roman se situe au cœur d'une modernité sociale et sentimentale assez répandue qui, pour mon odorat, a une mauvaise odeur. Ainsi, les autres personnages errent par exemple dans un monde du travail flou, sans grande valeur ajoutée, et vivent assez mal de leurs revenus, dont la recherche ne passe qu'après la satisfaction de leurs désirs multiples et souffre de l'instabilité qu'ils créent. La valeur du travail comme support matériel de notre liberté propre et comme marqueur social accepté disparaît.
Cela m'a frappé, par exemple, chez le père de Clara qui sacrifie son travail, qui aurait pu être une planche de salut, à ses émotions lors de l'accident, alors que ce travail aurait pu participer à son rééquilibrage. Le travail n'est plus une valeur, mais un gagne-pain parmi d'autres facilement remplaçable par l'assistance et a perdu son sens tant personnel que collectif.
Il en va de même pour la vie sentimentale, aussi stable qu'une planche de surf. Oublis, caprices, passades, confusions forment les ingrédients des rapports amoureux, même si ce roman aimerait bien se présenter comme une histoire d'amour. Les deux histoires relatées sont aussi des histoires de mort, seul révélateur, semble-t-il, pour l'auteur d'un mode qui ne fait plus partie du jeu amoureux actuel. On peut penser et espérer qu'il déraille...
Quoi qu'il en soit, j'ai beaucoup de mal à m’intéresser à ce qui advient à des personnages qui créent leur propre vacuité et leur propre malheur par leur inconséquence.

 

Pour autant, ce petit livre se lit bien et, même si les aventures enlacées n'aident pas à la fluidité, elles n'explosent pas en feu d'artifice. Le récit sait même parfois être touchant et l'on sent un écrivain qui connaît son métier, même si je regrette un certain manque de consistance à cette aventure peu crédible et animée par des personnages essentiellement vides.

Gallimard (2025), 193 pages