Ce n'est pas un, mais deux livres que je commenterai ici. Deux par ce qu'ils sont écrit sur le même sujet, l'intrication quantique, et par le même auteur, Alain Aspect. Le livre du CNRS est un résumé simplifié et celui de Odile Jacob un livre beaucoup plus détaillé, à la fois sur la question de l'intrication, mais surtout sur la méthode expérimentale qui a permis d'affirmer que la mécanique quantique ne négligeait pas d'éventuels paramètres cachés et a ainsi valu à Alain Aspect son prix Nobel. Quoi qu'il en soit, ces livres sont à recommander seulement à ceux que le sujet intéresse et qui sont prêts à un certain effort intellectuel ! J'ajouterai aussi la nécessité d'une certaine connaissance en physique.
Comme le dit l'auteur, ce n'est pas une, mais deux révolutions quantiques qui ont eu lieu. La première est celle, largement exploitée techniquement de nos jours, de la quantification à petite échelle des paramètres physiques comme la quantité de mouvement, le moment angulaire, l'énergie, etc. Nous commençons à être familiers avec cela et en profitons à travers nos PC, le GPS, la fibre optique, le laser, etc. Mais une seconde révolution a eu lieu depuis longtemps, qui était restée comme un phénomène étrange, mal compris, l'intrication. Elle signifie que les solutions des équations de la mécanique quantique comprennent des objets que nous qualifions comme formés de deux particules, qui suivent leurs trajectoires séparées dans l'espace-temps, mais qui restent totalement corrélés, même éloignés à des distances telles que communiquer entre eux supposerait des échanges d'information à des vitesses supérieures à celle de la lumière, ce qui est impossible dans le cadre de notre compréhension physique actuelle du monde. Cette révolution est celle qui permettra, peut-être, l'ordinateur quantique, aux propriétés théoriques de vitesses de calcul considérables.
Ce qu'ont permis de trancher les expériences de l'auteur est de savoir s'il existe (Albert Einstein) ou non (Niels Bohr) des paramètres cachés que les particules corrélées emporteraient dans leur voyage pour assurer cette corrélation. La réponse est non et Einstein ne l'a pas su ! C'est donc le montage expérimental, extrêmement subtil, qui est raconté là, qui suppose de travailler sur un seul photon (sic !) et de mesurer ses caractéristiques physiques à plusieurs reprises, séparées par le temps que met la lumière à faire quelques dizaines, voire centaines de mètres. Cet incroyable travail expérimental, confirmé par plusieurs laboratoires, est donc aujourd'hui sans appel. Le fait que cette expérience a nécessité presque 100 ans après la découverte de l'intrication est intéressant : on connaissait les lois et l'on savait les appliquer, ce qui suffisait pour les applications et l'on s'en contentait, même si le sens profond du phénomène restait incertain !
Il faut bien être conscients, d'ailleurs, que nous savons utiliser la mécanique quantique aux lois mathématiques solides, mais que, en revanche, nous ne la comprenons pas d'une manière profonde, prix Nobel ou pas. Elle heurte notre expérience commune et nous ne savons pas, dans ce monde, donner des représentations claires des solutions de ses lois. C'est, à mon avis, une limite de notre espèce homo sapiens aux capacités finies et laisse craindre que nous soyons arrivés à un point difficile à dépasser de notre connaissance rationnelle et mathématisable du monde. Il est d'ailleurs significatif que la conceptualisation mathématique de la physique piétine depuis près de 100 ans, même si dans d'autres domaines, la connaissance continue de progresser, beaucoup moins exigeante en demandes de support abstrait. Pessimisme ? Peut-être.
Voici donc deux livres riches, d'accès un peu exigeant, mais qui montrent ce que notre espèce est capable de comprendre et de concevoir, quand elle ne se laisse pas dominer par d'autres instincts. Mais l'un serait-il possible sans l'autre ?
CNRS Éditions (2019), 75 pages. Einstein et les révolutions quantiques
Odile Jacob (2025), 363 pages. Si Einstein avait su