Attention ! Lire ce policier équivaut à se sentir perdu au milieu de la forêt vierge et de tenter d'y trouver un chemin vers la civilisation, si tant est qu'elle existe. Ici, un meurtre a été commis et l'auteur ne se satisfait pas des enquêtes ni de l'accusation qui a suivi ; il soupçonne des erreurs coupables, dues au laxisme des enquêteurs et au souci des autorités d'aller vite, trop vite, sans avoir affermi leurs informations. Alors il reprend tout, pas à pas, dans l’infime détail des événements, jusqu'à former une hypothèse bien éloignée des conclusions de l'accusation, mais sans doute plus vraisemblable. Avancer avec lui sera, pour certains, insupportable de lenteur tatillonne et sera pour d'autres une délectation. Alors, on tente l'aventure ?

 

 

Il faut préciser que cette quête de la vérité est contemporaine, quand les faits datent de 1941 ! Tous les acteurs du drame ou presque sont passés de vie à trépas et ont emporté dans leur dernier refuge à la fois la part de vérité qu'ils possédaient et en même temps le risque d'une nouvelle condamnation. L'auteur est simplement motivé par l’intranquillité que provoque l'intime conviction que des souffrances graves et longues ont été injustement subies par le coupable présumé, Henri Girard, épargné partiellement néanmoins par un acquittement spectaculaire et inattendu.

 

Ainsi, l'auteur va nous proposer de l'accompagner, pas à pas dans sa recherche de ce qui s'est réellement produit. Le roman se compose sommairement de deux parties. La première est l'exposé de la "vérité" officielle et la seconde est cette quête intransigeante de la réalité. Chaque partie représente environ 300 pages et seul, le talent de l'auteur permet de ne pas se sentir perdre pied au cours de ce long cheminement. Et je conviens qu'il réussit ce pari en nous prenant à témoin des erreurs et des insuffisances de l'enquête de 1941 et en nous proposant une méthode systématique et sans à priori chargé de passion dans la seconde partie.

 

Les conclusions de tout cela sont multiples et, il me semble, méritent d'être connues et retenues. Citons-en quelques-unes. Une expertise mal conduite (et elles ont été nombreuses !) est pire qu'une absence d'expertise, car elle donne un sentiment infondé de vérité incontournable qui doit être prise en compte. Les témoignages sont nécessaires, mais terriblement imprécis, sont variables avec le temps et parfois délibérément faux. L'examen des faits, des circonstances, s'il est approximatif, induit en erreur. On ne manquera pas de s'en apercevoir avec les toiles d'araignées qui couvraient la petite fenêtre et les contenus fort divers des rapports qui en ont été faits !

 

Si donc le lecteur est prêt à passer quelques heures à jouer au détective, il ne sera pas déçu par ce roman qui accumule fort lentement petits faits négligés, petits liens subtils et invraisemblances fragiles. Un chef-d’œuvre d'orfèvrerie policière !

 

Points P4872 (2017), 642 pages