Il s'agit bien d'un roman, un peu nostalgique et dépassionné, que nous livre ici la voix féminine qui nous guide et situe le phénomène dans une perspective historique allant des Romains à nos jours. Tout est-il dit ici ? Sans doute pas, mais le paysage est bien dressé et les questions évidentes sont posées. Leur réponse reste incertaine, en revanche !

 

 

On ne parle jamais ici de la variante chic de la même profession qu'ont été les "grandes horizontales", femmes plus ou moins somptueusement entretenues conservant une liberté relative et menant une vie parfois éblouissante. Dans ce roman, et c'est ce qui interpelle le plus dans cette profession, les femmes se livrant à ce travail en maison close perdent leur liberté en devenant des marchandises dont elles n'ont jamais le contrôle en raison des sommes en jeu.

 

Il faut aussi noter qu'il y a des degrés dans cette profession, allant des maisons "d'abattage" où plus de 50 passes par jour sont la règle (sic !), à des maisons luxueuses où les rapports tarifés conservent une certaine civilité. Notre guide nous conduira dans ces univers bien différents, où les prix, les conditions sanitaires varient et où les rapports humains vont de l'emprise à l'esclavage.

 

Le lecteur contemporain, s'il pense que les rapports de force ne sont pas les seules valeurs qui fondent nos sociétés, ne manquera pas de se sentir mal à l'aise face à ces pratiques. Il devra en même temps admettre que leur longévité, envers et contre tout, leur donne une certaine légitimité, comme bien d'autres comportements humains qui, qu'on le veuille ou non, habitent nos sociétés et doivent être traités autrement que par le déni.

 

Il était certes plus facile d'interdire les maisons closes que d'interdire le vol ou le crime. Était-ce une bonne façon d'opérer que de se voiler la face et laisser l'illégalité prendre cette fonction en main ? Sans doute pas, car c'était une façon plutôt lâche d'en perdre le contrôle. Il me semble toujours préférable de faire des lois pour les hommes tels qu'ils sont, bons et mauvais, et non pour de purs concepts. La Sécurité Sociale comme internet ou nos institutions s'en porteraient mieux !

 

Un livre original sur un sujet un peu décalé, qui se lit plutôt bien et qui se tient soigneusement à l'écart de toute idéologie ou toute croyance.

 

Rocher (2010), 258 pages