La lecture de ce livre nous contraint à un exercice particulier. Il est en effet d'une part une remarquable étude sur le "réseau" Soros, lobbying politique planétaire à travers associations, ONG ou "Instituts", extrêmement riche (produit des spéculations financières de Soros) et dont l'idéologie, clairement affichée, est la "Société ouverte", qui rejette nations, structures sociales et familiales telles que le temps les a bâties, pour laisser place à un "homme nouveau", individualiste, libre et défini par ses échanges. Tout cela sous un vocabulaire humanitaire proche de la langue de bois.
Le livre est aussi, d'autre part, une critique acerbe de cette idéologie, la jugeant néfaste, destructrice de nos cultures et la soupçonnant de dissimuler la défense d'intérêts privés de Soros.
Sous réserve d'être conscients de cette double intention du livre, sa lecture est passionnante et montre le poids politique insensé que l'argent, bien ou mal gagné, peut prendre sur l'opinion publique et sur les démocraties, avec la complicité un peu imbécile de l'intelligentsia.
La "Société ouverte" de Soros est une idéologie de "libération" qui voit la paix du monde assurée par des individus indépendants et totalement libres de leurs interactions, une sorte de métissage universel. Ainsi, toute entrave à ce but est un obstacle à renverser. Etats, institutions, morales en font partie, comme toute appartenance à un groupe social, ethnique, civilisationnel, ou toute institution produisant des valeurs non universelles et inhibant la fluidité des changements. Il s'agit d'une sorte d'anarchisme, de communisme idéal ou même de millénarisme qui ne relève en rien de la démocratie, mais procède d'un savoir supérieur, d'essence philosophique. C'est donc une idéologie de déni de la démocratie et de la représentation populaire, idéologie qui ne peut être mise en oeuvre que par des moyens coercitifs, appelée "ingénierie sociale".
Il faut pour cela des moyens. Financiers d'abord, ce que Soros a su réunir par le succès de spéculations dont celle sur la Livre sterling. Humains ensuite pour faire passer la bonne parole. L'habillage bien-pensant de l'idéologie a été un préalable. Les mots ne manquent pas pour faire cela : humanisme, ouverture, liberté ( O Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! Madame Roland, 1793), accueil, déontologie, coopération, etc. Les ressources considérables (un budget annuel de dépenses qui a excédé le milliard de $ en 2018) ont permis, non seulement de financer des ONG, mais aussi, peu à peu, de pénétrer tout ce qui est international et non démocratique (ONU et ses branches, instances diverses supra gouvernementales et... l'Europe). Plus de 49 fondations dans le monde s'y consacrent qui irriguent des milliers d'ONG captives, à la botte. Le livre fournit là dessus des détails précis.
Quelles actions vont encourager ou commettre les zélateurs de cette idéologie ? La réponse est simple : tout ce qui peut déliter, dissoudre l'ordre démocratique existant avant d'y substituer l'ordre nouveau. En pratique cela consiste, entre autres, à pousser et aider l'immigration vers tous les pays structurés dont l'Europe, favoriser les mouvements individualistes disruptifs (homosexualité, mariage pour tous, consommation de drogues, libération des prisonniers, mœurs individualistes, alimentaires ou autres, choc de religions, contestation politique, droits des enfants contre la famille, etc.). Il suffit d'être informé pour retrouver là les caractéristiques de notre temps, auxquelles Soros apporte son opulente contribution. Là aussi, le livre fournit exemples et textes de Soros qui ne laissent aucun doute ni sur ses intentions ni sur ses actes.
Qui pourrait alors contester le risque social que ce jeu de pouvoir, fondé sur l'argent et totalement non démocratique fait courir à nos institutions démocratiques traditionnelles ? Difficile. De plus, ce jeu est mené dans la demi-ombre, sous la couverture d'une langue de bois humanitariste qui trompe, ce qui au passage montre bien que ses promoteurs savent qu'ils jouent un jeu dangereux qui ne peut pas être 100% exposé. L'anomie de notre vie politique rend de tels agissements possibles. Seuls certains Etats qui ne veulent pas mourir y font obstacle. Essayons de les comprendre avant de les stigmatiser.
Il n'en reste pas moins qu'il serait excessif de prêter à Soros plus qu'il ne peut faire. Il n'a pas créé les tendances qu'il chevauche à coup de milliards. Les actuelles sociétés ne se sentent plus correctement représentées par les institutions existantes qui ne les protègent plus de l'inégalité croissante engendrée par la mutation due au remplacement des industries par les services et aggravée par l'Euro pour ce qui concerne l'Europe. Quant à l'immigration, les causes en sont la déstabilisation du Moyen-Orient, où les USA, la Grande-Bretagne et la France sont en partie responsables. Ce n'est pas non plus Soros qui a laissé croître cette finance internationale et en partie robotisée dont il a bien profité, mais qui, en l'absence de règles à réinventer, est une poudrière sans contrôle dont se nourrit une classe riche internationale qui ne peut que s'allier avec l'idéologie, à mon avis mortifère et génératrice de chaos, de Soros. Devant de telles perspectives, on devient conservateur... et on espère que la démocratie saura se réinventer.
Le Retour aux Sources (2018), 366 pages