"Les talents du cerveau, les défis des machines"
Apprendre est une ruse de l'évolution pour compenser chez les êtres vivants la faible capacité de mémoire de l'ADN ! Cette aptitude se révèle aussi être un précieux outil d'adaptation aux conditions locales. Voici, parmi mille autres, quelques-unes des informations que nous livre ce remarquable essai dont le sujet essentiel est pourquoi et comment nous apprenons. Il aborde donc une question aux conséquences importantes : quelles conditions favorisent l'usage de cette aptitude chez l'homme, tout particulièrement à l'école ?
Précisons d'abord qu'il ne s'agit en rien d'un essai de psychologie spéculative, mais bien au contraire d'un point documenté sur l'état du savoir en sciences cognitives. Précisons aussi que les affirmations de l'auteur résultent d'expériences bien référencées en note.
Qu'est-ce que "apprendre" ?
Apprendre, "c'est construire dans notre cerveau un modèle du monde" dit SD. Deux remarques personnelles, en préalable :
- Il sera souvent intéressant de voir combien "comprendre" et "apprendre" se frottent. Je comprends, l'exemple est de moi, que frapper quelqu'un le rend hostile et donc j'apprends à le faire ou à ne pas le faire à propos et efficacement.
- Notons qu'apprendre signifie accumulation de mémoire, mais signifie aussi maîtrise d'un comportement.
On découvrira au cours de la première partie qu'apprendre c'est améliorer le modèle intellectuel de la réalité qui est en nous, en jouant avec les combinaisons, en réduisant les erreurs, en explorant activement toutes les possibilités, en se concentrant sur l'essentiel.
On découvrira aussi que bien des choses manquent aux machines pour atteindre la puissance du cerveau. Elles ne disposent pas de ce que l'auteur appelle un langage de l'esprit, sorte de grammaire hiérarchisée des modèles, qui est la porte de l'abstraction et des généralisations qu'elle permet chez l'homme.
- Il sera souvent intéressant de voir combien "comprendre" et "apprendre" se frottent. Je comprends, l'exemple est de moi, que frapper quelqu'un le rend hostile et donc j'apprends à le faire ou à ne pas le faire à propos et efficacement.
- Notons qu'apprendre signifie accumulation de mémoire, mais signifie aussi maîtrise d'un comportement.
On découvrira au cours de la première partie qu'apprendre c'est améliorer le modèle intellectuel de la réalité qui est en nous, en jouant avec les combinaisons, en réduisant les erreurs, en explorant activement toutes les possibilités, en se concentrant sur l'essentiel.
On découvrira aussi que bien des choses manquent aux machines pour atteindre la puissance du cerveau. Elles ne disposent pas de ce que l'auteur appelle un langage de l'esprit, sorte de grammaire hiérarchisée des modèles, qui est la porte de l'abstraction et des généralisations qu'elle permet chez l'homme.
Comment apprend-on ?
La donnée fondamentale est que le bébé naît avec un cerveau organisé comme celui de l'adulte (même spécialisation des régions corticales) et avec des modèles du monde déjà en place. Le bébé n'est pas une page blanche ; il a déjà en lui l'héritage de l'évolution. Cela a longtemps échappé aux psychologues et a conduit de grands esprits à l'erreur. C'est grâce au perfectionnement considérable de l'imagerie médicale que de tels faits ont été découverts et ont remplacé les a priori encore enseignés récemment. Le livre est d'ailleurs particulièrement passionnant lorsqu'il prend des exemples concrets et relate les expériences faites par l'équipe de SD ou d'autres.
Ainsi donc, apprendre, c'est affiner ces modèles innés et c'est installer ou modifier la combinatoire hiérarchique entre eux. Un phénomène bien mis en évidence, la plasticité neuronale, c'est-à-dire la capacité des neurones à établir des connexions avec d'autres neurones ou à en supprimer d'inutiles, joue un rôle essentiel, car c'est lui qui fabrique la (ou les !) mémoire. En effet, un objet de mémoire semble bien être une sorte de flash simultané d'un ensemble de neurones connectés, situés dans des régions précises et dont la carte est stockée et peut être réactivée lors de certaines circonstances.... pour autant que ces ensembles de neurones aient fait ce travail d'apprentissage à l'âge ou il était possible. On ne saurait exagérer dans ce processus le rôle de la famille, de l'environnement social et de l'école.
Les conditions d'un apprentissage réussi.
C'est l'objet de la troisième partie du livre, qui spécifie quatre facteurs essentiels : l'attention (choisir dans la foule des simulations qui nous atteignent), l'engagement actif (on n'apprend rien passivement, mais au contraire en effectuant des prévisions justes ou fausses), l'usage correctif de l'erreur (il faut des repères pour progresser) et la consolidation de l'acquis ( ne pas oublier, graver l'apprentissage dans le marbre de notre cerveau). Il fait de ces quatre principes, que l'expérience a validés, des règles pratiques, utiles à l'école en particulier. Il montre au passage que les "pédagogies de la découverte" sont un échec par ce qu'elles ignorent les faits mis en évidence au long de cet essai.
Ce livre remarquable est une étape, un bilan, dans notre lente compréhension (j'allais dire apprentissage !) des mécanismes du cerveau. Il me rappelle le sentiment de découverte qui m'avait frappé à la lecture de "L'Homme Neuronal" de J P Changeux. Ce n'est pas une lecture qu'on peut faire à la légère, mais elle justifie amplement un effort, car le contenu est novateur, en restant accessible à beaucoup d'entre nous. Un livre exceptionnel, fondé sur le savoir, l'expérience, la raison. Nous en avons besoin...
Odile Jacob (2018), 380 pages