tao yuanming homme terre ciel

 

On peut encore lire avec grand plaisir un livre de poésie chinoise du 4e. siècle, surtout lorsque, comme ici, il nous fait partager la vie retirée et simple choisie par son auteur, pour atteindre ainsi son idéal taoïste d'harmonie avec le monde.

Je me suis intéressé à lui après la lecture de "L'importance de vivre" de Lin Yutang, qui, souvent, cite TYM et lui voue une admiration sans limites. On comprend vite pourquoi. TYM a, au prix d'un renoncement délibéré à une vie sociale réussie qui était à sa portée, choisi de se retirer et de mener une vie modeste et simple. C'est exactement le modèle que Lin Yutang privilégie.

 

Ses poèmes sont à la fois les pièces d'un journal de bord, mais aussi les jalons d'un chemin vers cette harmonie active avec le monde. Notons au passage que cette vie n'a rien à voir avec les exploits un peu arrogants et, pour moi, vains et absurdes, des ascètes de tous poils. TYM est marié, à des enfants, cultive sa terre, rencontre ses proches. Il refuse richesse, pouvoir, rôle social, qu'il a eu pendant une partie de sa vie et qu'il considère comme des poisons.

Une question se pose, bien entendu. Les choix de TYM peuvent-ils être aussi les nôtres ? La réponse est évidemment non, s'il s'agissait de reproduire sa vie frugale, en autosuffisance. C'est devenu impossible. Le monde a changé en 1600 ans ! Vivre à la terre c'est, à notre époque, accepter d'abord une solitude qui n'était en rien l'objectif de TYM, par exemple. Aujourd'hui, la campagne est déserte. Mais plus grave, tout ce qui relevait alors de la vie privée (économie, santé, vie familiale, etc.) a basculé à notre époque dans le domaine de la vie publique et nous est imposé, de gré ou de force. Essayez de mourir en paix sur votre paillasse et vous venez débarquer les Zorros du collectif : associations de bienfaisance, polices, soutien psychologique, instances de toutes espèces, etc. Et vous finirez votre vie encadrée de force, veines percées et branchées à des flacons, masque à oxygène sur le nez, sollicitude palliative en état de marche. Bien ou mal ?

Néanmoins, il ne semble que TYM nous dit quelque chose d'éternel ; comme ce que Lin Yutang nous disait dans son livre. C'est que, pressés par cette existence productiviste que nous menons aujourd'hui, fondée sur des rapports humains de compétition, nous négligeons tout une réserve d'actes, riches d'accomplissement et de bonheur, qui sont encore au fond de nous, presque oubliés. La joie de voir une abeille butiner, la lune jouer avec les nuages, le rossignol chanter, notre chat recueillir une caresse avec béatitude, de boire un verre de vin, de bavarder avec des amis, etc. Tout cela est à portée de notre main ; il ne nous reste qu'à le cueillir, ce que nous ne faisons plus. Peut-être n'osons-nous pas, de peur d'être jugés un peu simplets ? Osons, nous dit TYM, le bénéfice est considérable.

Un livre qui aide à vivre.

 

Moundarren (1987) - 143 pages