"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
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MS est hongroise et, son roman "La porte" m'avait déjà fait une forte impression. Elle revient ici sur un thème qui, sans doute, la fascine : la solitude, non comme un fait que l'on subit, mais comme un état que l'on fabrique, soit sans le savoir et en en souffrant, soit lucidement pour construire sa vie. "La porte ne nous disait pas autre chose, mais les circonstances étaient bien différentes.
Iza, jeune femme médecin dégage une aura exceptionnelle : succès intellectuel et économique, beauté, courage. Mais peu à peu le roman laisse découvrir dans le sillage lumineux de cet être parfait des points d'ombre qui blessent et écartent ceux qui l'approchent vraiment. Chacun des personnages qui l'aiment ou l'ont aimée ont un jour compris que le bouclier qu'elle dresse est infranchissable. Et ils ne le supportent pas. Le vent de la Puszta reste en fin de compte le seul compagnon d'Iza.
Voilà pour la vision conventionnelle. Mais n'existe-t-il pas une autre lecture ? Il me semble bien que oui, une vision "orientale" qui est au fond celle que je retiens.
Iza est l'enfant d'un milieu modeste, terriblement affecté par une injustice qui condamne la famille à la misère et à une certaine réclusion. Iza, enfant douée, sait qu'elle peut tirer son épingle du jeu si elle s'y emploie à corps perdu. Elle a décidé de s'accomplir et tend tout son être vers cette réalisation de soi, ce qui est au fond la signature supérieure de l'humain. Elle doit alors dans le malheur qui l'environne, et pour consacrer ses forces à ce but, pratiquer une forme d'absence d'attachement très "orientale" ; et elle réussit.
Les êtres qu'elle approche, outre ses parents fiers d'elle, sont des faibles, sympathiques et outrageusement modernes. Antal, son premier mari, est le pire exemple : incapable de supporter Iza telle qu'est est et surtout incapable de supporter ce détachement qui recouvre l'amour toujours profond qu'elle a pour lui, incapable d'être autre chose qu'un enfant en attente de caresses, Antal divorce.
Iza, l'accomplie, est alors à mes yeux le vrai personnage lumineux de ce récit, forte et digne, mais livrée à une solitude, fruit de la faiblesse de ceux qui ne savent pas qu'aimer en adulte n'est pas fusionner.
Tout le talent de MS est de nous amener par évidences successives à cette conclusion duale d'autant plus sensible que, comme chacun, Iza nous avait séduits. Que nous penchions vers l'une ou l'autre des deux visions dépend de notre propre éthique et de notre maturité. Quelle merveille qu'un roman offre ce choix ! Un grand livre.
Iza, jeune femme médecin dégage une aura exceptionnelle : succès intellectuel et économique, beauté, courage. Mais peu à peu le roman laisse découvrir dans le sillage lumineux de cet être parfait des points d'ombre qui blessent et écartent ceux qui l'approchent vraiment. Chacun des personnages qui l'aiment ou l'ont aimée ont un jour compris que le bouclier qu'elle dresse est infranchissable. Et ils ne le supportent pas. Le vent de la Puszta reste en fin de compte le seul compagnon d'Iza.
Voilà pour la vision conventionnelle. Mais n'existe-t-il pas une autre lecture ? Il me semble bien que oui, une vision "orientale" qui est au fond celle que je retiens.
Iza est l'enfant d'un milieu modeste, terriblement affecté par une injustice qui condamne la famille à la misère et à une certaine réclusion. Iza, enfant douée, sait qu'elle peut tirer son épingle du jeu si elle s'y emploie à corps perdu. Elle a décidé de s'accomplir et tend tout son être vers cette réalisation de soi, ce qui est au fond la signature supérieure de l'humain. Elle doit alors dans le malheur qui l'environne, et pour consacrer ses forces à ce but, pratiquer une forme d'absence d'attachement très "orientale" ; et elle réussit.
Les êtres qu'elle approche, outre ses parents fiers d'elle, sont des faibles, sympathiques et outrageusement modernes. Antal, son premier mari, est le pire exemple : incapable de supporter Iza telle qu'est est et surtout incapable de supporter ce détachement qui recouvre l'amour toujours profond qu'elle a pour lui, incapable d'être autre chose qu'un enfant en attente de caresses, Antal divorce.
Iza, l'accomplie, est alors à mes yeux le vrai personnage lumineux de ce récit, forte et digne, mais livrée à une solitude, fruit de la faiblesse de ceux qui ne savent pas qu'aimer en adulte n'est pas fusionner.
Tout le talent de MS est de nous amener par évidences successives à cette conclusion duale d'autant plus sensible que, comme chacun, Iza nous avait séduits. Que nous penchions vers l'une ou l'autre des deux visions dépend de notre propre éthique et de notre maturité. Quelle merveille qu'un roman offre ce choix ! Un grand livre.
Éditions Viviane Hamy (2005) - 262 pages
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Ce roman hongrois paru en 1987, profondément original, a reçu le prix "Femina" en 2003.
La narratrice, une femme de lettre, va faire l'éprouvante expérience de l'incapacité à trouver les gestes qui lui permettraient de vivre pleinement son affection intense pour une vieille femme, qui pourtant partage ce sentiment. Elle ne passera pas cette "porte" transparente mais infranchissable qui la sépare d'une amitié qu'elle pressent, simple, partagée, où les mots n'ont plus besoin d'être dits pour être compris. Elle en souffre au point de s'y épuiser et d'en perdre presque la tête et en tous cas la santé. C'est pour moi cette tendresse qui n'aboutit pas qui fait toute la valeur de ce roman.
Il faut dire que l'objet de cette amitié est une dame d'un caractère d'acier trempé, plutôt imprévisible et emporté. Les mots peu amènes fusent dès qu'elle ne se sent pas comprise. Mais qui pourrait la comprendre ? Sans tout à fait quitter le réel, le raisonnable, son esprit s'engage souvent si loin que plus un seul de ses amis ne la suit. Sa solitude poignante prendra d'ailleurs une tournure tragique vers la fin de ses jours.
Si on accepte dans ce récit le personnage extravagant de la vieille dame, sans être irrité par sa stature souvent bien artificielle, alors on aura devant soi un merveilleux roman, éblouissant d'originalité.
Un petit regret, cependant (est-ce le texte original hongrois ou la traduction ?) : les phrases hachées comme un discours pas toujours cohérent fatiguent un peu. Est-ce pour mieux éprouver la peine profonde de la narratrice et son épuisement progressif ?
La narratrice, une femme de lettre, va faire l'éprouvante expérience de l'incapacité à trouver les gestes qui lui permettraient de vivre pleinement son affection intense pour une vieille femme, qui pourtant partage ce sentiment. Elle ne passera pas cette "porte" transparente mais infranchissable qui la sépare d'une amitié qu'elle pressent, simple, partagée, où les mots n'ont plus besoin d'être dits pour être compris. Elle en souffre au point de s'y épuiser et d'en perdre presque la tête et en tous cas la santé. C'est pour moi cette tendresse qui n'aboutit pas qui fait toute la valeur de ce roman.
Il faut dire que l'objet de cette amitié est une dame d'un caractère d'acier trempé, plutôt imprévisible et emporté. Les mots peu amènes fusent dès qu'elle ne se sent pas comprise. Mais qui pourrait la comprendre ? Sans tout à fait quitter le réel, le raisonnable, son esprit s'engage souvent si loin que plus un seul de ses amis ne la suit. Sa solitude poignante prendra d'ailleurs une tournure tragique vers la fin de ses jours.
Si on accepte dans ce récit le personnage extravagant de la vieille dame, sans être irrité par sa stature souvent bien artificielle, alors on aura devant soi un merveilleux roman, éblouissant d'originalité.
Un petit regret, cependant (est-ce le texte original hongrois ou la traduction ?) : les phrases hachées comme un discours pas toujours cohérent fatiguent un peu. Est-ce pour mieux éprouver la peine profonde de la narratrice et son épuisement progressif ?
Editions Viviane Hamy (2003) - 280 pages
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