"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Voici encore un livre de MS (écrivain hongrois, morte en 2007), plein de charme et de sensibilité. C'est un hymne à l'imaginaire d'un enfant, l'auteur, qui plante dans sa solitude joyeuse et libre, le décor imaginé de sa vie.
Chaque objet, chaque animal, chaque être humain deviennent des personnages dans la tête fertile de la jeune MS. Les concepts eux-mêmes prennent vie, comme les mots ou les sentiments. La très grande culture de MS y contribue.
Il faut reconnaître que le gène du rêve était bien implanté chez les membres de sa famille ! Son père, par exemple, devant un paysage que MS trouve beau, lui en fait cadeau. Tout est suggestion, jeu de l'imaginaire. Au fond du vieux puis interdit grouillent les mille formes de son imagination sans borne.
Elle ne s'ennuie jamais dans sa solitude. Nous non plus, devant le charme étrange et prenant de ce beau livre. Signalons au passage une très belle traduction !
MS, qui vient de mourir en 2007, a laissé derrière elle une oeuvre que j'admire. Ce roman ne décevra pas.
MS s'est fait une spécialité des relations humaines difficiles, tendues, souvent basées sur la solitude de ses personnages. Ici, c'est Eszter, la solitaire, qui porte à la fois son talent (et son succès) d'actrice, mais aussi un amour tranchant et impitoyable qui véhicule sa difficulté de vivre et entretient son infranchissable distance aux autres, le thème récurrent de MS. Jalousie, certes, mais aussi refoulements d'enfance mal résolus qui trouvent un exutoire dans une rivale innocente, belle, mais simplette, et même dans l'objet de ce qu'elle pense être de l'amour et qu'elle ne sait pas exprimer.
Il fallait le talent de MS pour faire un roman attachant d'un tel contexte, presque sans intrigue.
D'autant plus que la forme de l'écriture est un peu celle d'un rêve éveillé, discursif, hoquetant, d'un monologue sautant d'un sujet à un autre, comme dans un rêve. Les retours en arrière sont fréquents, comme les changements instantanés de lieu ou d'interlocuteur, traduisant le désarroi de la pensée d'Eszter, mais nous laissant aussi un peu perdus, dans l'incertitude. N'est-ce pas, parfois, un peu trop ?
Un beau livre néanmoins, qui ne se donne pas, mais extrêmement riche.
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