"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Ce livre raconte l'histoire effroyable d'un enfant-soldat de ces pays perdus d'Afrique, ici le Liberia et la Sierra-Leonne. Non, Allah n'est pas obligé, semble-t-il, d'être juste dans tous ses actes ici-bas. A lire ce livre, on pourrait inverser la proposition et se demander même s'il l'est parfois...
Résumer les violences et les horreurs commises et vécues par cet enfant, c'est énumérer les turpitudes infâmes dans lesquelles s'installe un être ni meilleur, ni pire qu'un autre sans doute, mais dont nul n'a fait l'éducation et que nul n'a aimé pour lui faire percevoir la valeur d'une émotion humaine "chaude". C'est pire qu'une bête car il lui reste le pouvoir d'intelligence et de nuire d'un homme sans aucune référence morale pour se conduire. Que notre univers "développé" comprenne aussi de tels individus est une évidence ; mais, jusqu'ici la société et ses institutions les contrôlent. Là bas, non.
Ce livre démystifie aussi l'image politiquement correcte de ces guérillas africaine, toutes démocratiques et de libération, qui ne sont rien d'autres que les actes de gangsters et de voyous sanguinaires vivant de vols et de violences selon leur bon plaisir.
Peut-être l'auteur force-t-il un peu le trait pour nous faire partager son impuissance et sa rage devant ce gaspillage humain. Mais je n'en suis pas certain. Sans doute règle-t-il aussi certains comptes... Son manque d'indulgence envers la société des chasseurs (classe d'initiation de nombreux pays d'Afrique) fait question, par exemple. Ses personnages, dont pas un seul ne dit "stop" me parait étrange dans cet univers qui a une histoire et une tradition, et cela retire de la crédibilité historique à ce récit. On reste le nez collé dans la boue jusqu'à l'asphyxie.
Enfin le style n'est pas toujours plaisant ; il est même souvent répétitif au delà du nécessaire et donne envie de sauter des lignes...
Un livre de la même veine noire mais qui reste assez en deçà de son "En attendant le vote des bêtes sauvages".
Éditions Points P940 (2000)
Un livre noir, très noir, sans jeu de mot...
Rien ne trouve grâce, rien ne laisse le plus mince filet d'espoir aux yeux de Kourouma. Aucune des motivations des hommes ne trouve son chemin en face de la bestialité sauvage de ceux qui atteignent le pouvoir ou de la bestialité stupide de ceux qui en sont privés. Plus d'amitié ou d'amour, plus de solidarité, plus même d'interêt bien compris. Rien, plus rien ; la tradition est dévoyée, la société n'est que terrain du crime, l'homme n'est qu'avidité.
Alors Kourouma hurle à pleins poumons sa dérision ironique et sarcastique où tous et toutes sombrent dans son apocalypse de la pourriture. C'est drôle au commencement, long et sédatif à la fin. Il faut se forcer pour aller au bout de ce massacre. Ce casse-nègres aurait été écrit par un blanc, il aurait été politiquement correct de s'indigner...
Mais tout cela sonne faux, et relève de ce besoin de plaire par l'outrance et le cynisme. Oui, Kourouma connait bien l'Afrique, ses Sociétés de chasseurs traditionnelles, ses coutumes, le rôle éminant du verbe comme ciment de la société, et c'est là l'interêt du livre. Mais il se trompe, le nez collé à la merde, ce qui lui donne l'impression que tout sent mauvais. Il ne sait pas qu'il y a une vie au delà des chiottes. L'Afrique a besoin certes d'être mise en face de ses erreurs, dont elle est en partie seulement responsable ; mais elle attend du talent de ses écrivains un peu plus qu'une simple dénonciation complaisante, même si ils en retirent des prix littéraires.
Éditions Points Seuil (1998)