La rafale récente de découvertes de planètes dans l'espace conduit à estimer leur nombre à plus de 300 milliards dans notre galaxie, la Voie lactée. Et si l'on multiplie cela par les 125 milliards de galaxies de notre univers visible et, aussi faible que soit la probabilité d'apparition de la vie sur une planète, croire que nous sommes la seule vie de l'univers semble bien improbable. C'est le grand thème de ce livre qui requiert, pour être lu sans surchauffe neuronale, un réel intérêt pour ce sujet, la recherche de la vie dans l'univers visible.
Qu'est-ce que la vie ?
Mais d'abord, comment définir ce qu'on cherche, la vie ? La question ne recevra pas de réponse claire et acceptée par tous, même si ses propriétés font généralement consensus. En fait, le livre montre bien que là où on l'observe, la vie est le résultat de processus qui accompagnent les bouleversements constants de notre univers, comme les collisions, les variations en plus comme en moins des énergies disponibles, les phénomènes volcaniques, les déformations gravitationnelles des planètes au cours de leur histoire, etc. Sans oublier l'effet même de la vie, qui par exemple a permis il y a quelques milliards d'années sur terre à des microorganismes (les cyanobactéries) de relâcher comme déchet de ses métabolismes l'oxygène qui a d'une part éteint 90% de la vie sur terre, mais a en même temps permis l'apparition de la vie fondée sur l'oxygène et dont nous sommes les héritiers. Alors convient-il peut-être de définir la vie comme un processus et non comme un objet ? Et sans doute faut-il aussi se demander si les processus terrestres conduisant à la vie sont universels (sans doute) et si d'autres processus que ceux-là sont envisageables.
Comment la détecter ?
De même, ce n'est pas la "la vie" qui est un objet de recherche, mais ses biosignatures, objets, processus propres, radiations, évolutions particulières, etc. que l'on peut observer. Mais de telles signatures ne peuvent-elles pas résulter de phénomènes physiques ou chimiques qui n'impliquent pas nécessairement la vie ? On comprend bien ici l'extrême difficulté de cette recherche dont les résultats ont un tel potentiel émotionnel que les raccourcis à base de croyances et de complots foisonnent, obscurcissant ce champ de recherche.
La vie est-elle un processus ?
De plus, le livre rapporte deux points essentiels qui soutiennent l'hypothèse d'une vie largement répandue dans l'univers. Le premier est l'universalité des lois de la physique et de la chimie et donc de la biologie, dans l'univers. Les expériences n'ont, jusqu'ici, jamais pu mettre cette universalité en défaut. Le second est l'extraordinaire abondance de composés prébiotiques dans l'univers, au moins dans celui qui nous est accessible directement ou indirectement. Sachant cela, l'hypothèse d'un processus systématique de création de vie, intrinsèque à notre univers et largement réparti, se renforce. L'impermanence de tout ce qui existe, l'évolution et la transformation de toute chose dans cet univers participe évidemment à la pertinence de cette hypothèse.
Les progrès expérimentaux.
Le livre rapporte les extraordinaires progrès faits par la connaissance permise par les missions spatiales dédiées et la moisson de données récoltées dont la mise en forme est longue et difficile. Et, comme le montre bien l'auteur, connaissance n'est pas compréhension, laquelle suppose une étape de digestion et d'abstraction qui peut, ou non, avoir lieu (voir la note annexe "Jusqu'où ?"). Dans le domaine de l'intelligence extra-terrestre aussi, les moyens de recherche se sont multipliés, sans résultats bien nets à ce jour. Les convictions qui s'expriment ici ou là, sans preuve, sont aussi une source de confusion et sont un frein au travail d'approche de notre compréhension de la réalité.
L'homme devenu responsable de la terre.
Un dernier chapitre nous rappelle que la vie sur terre s'est développée jusqu'au milieu du 20e siècle en coévolution entre vie et environnement naturel, mais que, depuis, c'est l'humain qui dicte cette évolution, façonnée par la disposition d'énergie et l'informatique et sans lien conscient avec cet environnement naturel. Pillage des ressources, pollution de cet environnement, modification de l'atmosphère, etc., sans processus d'autocorrection, mettant à l'épreuve la responsabilité d'une espèce, l'homme, sur l'ensemble. Saurons-nous être dignes de cette responsabilité que nous confère cette récente puissance qui nous éblouit ? Peut-être seulement quand nous aurons remplacé nos choix purement économiques par des choix plus complexes intégrant cette responsabilité de coévolution avec l'environnement ?
Un livre riche et fort qui mérite d'y consacrer l'énergie nécessaire à sa lecture sur un sujet important, car, comme le rappelle l'auteur, l'observation des objets de l'univers nous en apprend beaucoup sur notre terre et nous évitera peut-être d'en faire une prison, voire un désert inhabitable.
Seuil (2023), 350 pages