"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Si vous pouvez passer outre les jongleries avec les mots, souvent éthérées et presque irritantes, ce livre recèle une pensée forte et originale qui nourrira votre propre réflexion sur la vie.
Evacuons d'abord le premier point. Le style de l'auteur n'est pas en cause. Il est souvent plus près de celui d'un poème que d'une prose, ce qui lui confère une ouverture large vers ce qui excède et enveloppe la pensée logique. Ce qui, ici, sera souvent utile. En revanche, l'acharnement de l'auteur à décoder la génétique des mots pour les rattacher à d'autres mots, d'autres siècles, d'autres civilisations, me semble souvent artificiel, presque hors contexte. Regrets d'une logique, unitaire et causale, donnant à notre monde un squelette sous-jacent ? Peut-être, mais la répétition de ce procédé rompt le rythme du texte et est d'un apport, à mes yeux, limité.
Ceci posé, qui n'est que de forme, revenons à l'essentiel qui, lui, est admirablement traité. Parmi le foisonnement des idées, propositions, aveux parfois de l'auteur, j'en retiendrai trois qui me paraissent essentielles.
Ce beau livre est une longue méditation, très littéraire, sur le destin et non, comme on peut le croire un moment, une méditation sur la mort. Avec le style et l'érudition de l'auteur.
Il faut se contenter de peu et manquer de curiosité pour se satisfaire d'un homme, projet et objet d'un dieu. Un avant, un après et le tour serait joué ! Un discret hommage à la dignité solitaire de l'athée précise la vanité de cette piste pour l'auteur.
Quignard apporte bien autre chose, à commencer pas cette évidence qu'une part profonde de nous appartient au monde, à ses lois, à son éternité aussi. Il nous dit que cette part enfouie est celle où s'élabore l'harmonie, la beauté, l'accord, la sérénité. Le Tao, penseraient certains. Il nous dit enfin qu'elle est presque inaccessible et que la forme de la vie qu'est l'homme, pour subsister, doit s'engager dans un commerce social qui la masque, au point de la rendre imperceptible.
Alors, il nous invite, non à rejeter cette gangue sociale, mais à ne pas oublier cette présence profonde au monde. Il nous propose quelques pistes pour y parvenir, dont celle d'un usage déterminé de notre liberté, ou d'un évitement des "prescriptions et des terreurs" qu'impose notre vie avec les autres.
Ainsi, peut-être, la mort, incontestablement la fin sans retour de notre vie sociale, n'est-elle plus la fin de tout, puisque cette part éternelle de nous-mêmes était, est et reste au monde. Et nous la partageons avec tous ceux qui, comme nous, l'auront reconnue.
Le style paisible et poétique de Quignard est le seul qui puisse aborder ces rivages. Un livre à lire et surtout relire.
Il s'agit d'un roman, à l'écriture soignée et toujours belle de l'auteur, qui s'inspire librement de l'histoire du Portugal au moment de son indépendence,à la fin du 17e. siècle. Mais surtout, c'est des azulejos étonnants du palais qu'il va tirer une aventure rêvée, violente mais pleine de charme.
Le palais de la Fronteira, du nom de son propriétaire, construit assez près de Lisbonne en un temps record est un miracle d'homogénéité de style, même si une certaine évolution est perceptible dans les azulejos employés. Il a aussi un charme et une élégance rare, que le tremblement de terre de Lisbonne a épargnés. Il se visite encore et appartient toujours à la famille d'origine.
Ce livre est un merveilleux souvenir vivant pour qui, après une visite, a été conquis.
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