Ce livre est un admirable roman, qui nous fait vivre à travers les yeux d'êtres de chair, la vie tragique du peuple russe, vers 1930, déchiré entre son rêve d'apporter au monde un salut humain et la réalité de la survie quotidienne. On ne répétera jamais assez que le communisme n'est pas mort de ses idées, mais de son échec à assurer la survie de son peuple.
AR tisse son roman autour de "Tovaritch Vladimirov", un modèle d'homme simple, croyant jusqu'au fanatisme à sa religion communiste, mais sans l'expérience, ni l'intelligence qui auraient peut-être convenu à ses responsabilités. Car les hommes éduqués ont été écartés du pouvoir, voire éliminés. Vladimirov est un vrai prolétaire, ou en a les caractéristiques acceptables. Même si ses actes sont criminels, il n'en a pas vraiment conscience, car, comme un inquisiteur, il agit en faveur de sa cause avec d'autant plus d'énergie, qu'il sent bien qu'elle met à terre tous ses instincts humains naturels.
D'autres ont moins de scrupules et voient dans la nouvelle foi, à condition de hurler plus fort que les loups, l'occasion de se dresser en prédateurs. Pour jouir, ou simplement survivre, quand autour d'eux la faim s'installe. Le naturel le plus sinistre, sans règles morales, se donne libre cours au nom de la nouvelle foi.
Tout cela est raconté, comme dans "Aube de vie Aube de mort" ou "Une crémière russe à Vienne", avec simplicité, comme une évidence. Rien d'intellectuel, d'abstrait. Les hommes au pouvoir sont devenus fous, cruels et stériles, mais il faut vivre. Rien du panache des grands mots qui tuent. Le premier objectif est de trouver à manger, pour soi et ses proches, dans la bêtise et la cruauté ambiante, dans un monde qui a perdu ses repères.
Ce livre est profondément émouvant et nous rappelle le mal que les hommes, livrés à leurs instincts et encouragés par le fanatisme, peuvent faire. AR l'a vécu et nous le fait admirablement partager.
Nb : Ce livre est épuisé, mais se trouve encore sur internet, sous son titre et le nom de l'auteur.