"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
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- By livres-et-lectures.com
Dans la dernière année de la deuxième guerre mondiale, les juifs hongrois jusqu'ici épargnés sont rattrapés par la fureur antisémite. Imre Kertész (né en 1929) a alors 15 ans. Séparé de ceux qui lui sont proches, il va découvrir Auschwitz, Buchenwald et autres lieux, dont, par chance, il échappe.
Encore un livre sur cette tragédie ? Oui, mais il a quelque chose que nul autre n'a su, pour moi, rendre aussi fort.
Nous sommes avec l'auteur, non pour nous indigner ni surtout pour nous plaindre. Nous sommes avec lui pour vivre en dépit de tout, pour faire un pas, puis un autre. Ce que IR décrit n'est qu'accessoirement les camps qu'il traverse et ce qu'il y trouve. C'est surtout son propre cheminement pour survivre, sans emphase ni main sur le coeur, dans la banalité quotidienne de sa faim, de son épuisement et de sa solitude.
Et la clé de sa survie, c'est bien dans l'absence de "destin" qu'il la trouve, et surtout dans l'absence de destin de victime. Il ne juge pas, jamais, le milieu de mort et d'anéantissement où il est plongé, ni n'accuse personne d'être responsable de son malheur. Il prend cet état comme un fait avec lequel il faut vivre et exercer sans cesse sa liberté, conscient qu'il peut mourir s'il ne trouve pas l'épluchure de pomme de terre ou le verre d'eau qui lui donneront un nouveau sursis. Il trouve dans cette liberté d'homme la force de se battre, d'exploiter sa chance, d'être même parfois heureux, quand bien même les cheminées fument et empestent autour de lui. Nul ne comprendra son état d'esprit lorsqu'il rentrera en Hongrie, où tous veulent anéantir sa liberté en lui collant sur le dos le "destin" de victime juive. Non, Monsieur Imre Kertész n'a pas été broyé par son destin ; il n'en n'avait pas.
L'autre absent de marque de ce livre est le grand magicien-dieu, qui a fait les hommes, y compris les nazis brûleurs de juifs, à son image. IK gardera sur lui et le même silence que ce dernier manifeste vis à vis des hommes dans leurs tragiques épreuves. C'est toute la dignité de l'athéisme.
Un livre magnifique et bien écrit qui a parfaitement mérité sa distinction du Nobel.
Éditions Actes Sud 1998
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Franz Marc (1880 - 1916) est un peintre allemand important, emporté par la guerre de 1914. Il fut un des fondateurs du mouvement "Der blaue Reiter" avec W. Kandinsky, et laisse à ceux qui le connaissent, la vision, entre autres, de ses chevaux peints en à plat ou cernés, si riches de vie.
Il fut mobilisé en 1914, et décida d'écrire chaque jour à son épouse, des courriers brefs où il aborde ce qui lui semble l'essentiel : son amour pour sa femme et la vie simple qu'il entend mener auprès d'elle, sa vocation de peintre, ses amis et la guerre dont il est autant spectateur qu'acteur. Et, ici ou là, se glissent des réflexions sur mille autres sujets, qui caractérisent les inquiétudes de l'époque plongées dans le drame de cette guerre.
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Thomas Bernhard est un écrivain autrichien de langue allemande, né en 1931, dont la vie fut un combat fréquent contre la maladie. Il le perdra en 1989.
Ce roman, de 1978, décrit une phase de cette lutte, et une victoire, provisoire, de l'auteur. Il nous raconte comment ce dernier prit une "décision" de vivre, à demi inconscient dans le mouroir d'un hôpital sinistre. Et cette décision est un révélateur, une renaissance qui donne à TB l'opportunité d'une vue sans faux semblant sur lui même, sur ceux qui l'entourent et sur la relation entre lui et eux.
La mort des autres, la réification de ces corps qui ont perdu leurs propriétés d'humains, la supériorité autoritaire des soignants, la solitude du mourant et la proximité angoissante de sa propre mort, tout cela est décrit par TB avec une simplicité , une sincérité que je n'avais jamais trouvées ailleurs. A cela s'ajoute la révélation qu'il y a, tout près de cette vie qui fuit, des choses importantes qui valent la peine de décider de lutter pour survivre : un grand-père qui a laissé dans le coeur du narrateur des pensées importantes et chaudes qui donnent un sens au monde, une mère méconnue qui se révèle et, tout au bout, lorsque la solitude est là, la communion avec la pensée des hommes par la lecture des livres qu'ils ont écrits. Tout cela est bien autocentré, dira-t-on ; se reconstruire est en effet le thème de ce livre et s'affirme ici comme la priorité de celui qui a failli tout perdre, même sa vie.
Le style est original : de longues phrases, un ton uniforme, un murmure, une confidence qui ne veut rien oublier car tout peut, à tout moment, basculer.
Un bon livre, sensible et puissant.
Éditions NRF Gallimard 1983
Page 284 sur 314