"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Fiches de lectures, critiques de livres, personnelles et subjectives !
Inscrivez-vous ici pour recevoir l'annonce des nouvelles fiches de lectures
- Détails
- By livres-et-lectures.com
Ce roman est celui de l'initiation de Siddhartha, indien de l'époque du Bouddha historique (il va le rencontrer), c'est à dire en au 6ème s. avant notre ère. On pourrait y voir aussi la tentative de l'occidental HH de mettre au clair sa relation de séduction - frustration avec le bouddhisme, un bouddhisme un peu rêvé, un peu idéalisé. Notre héros repoussera d'ailleurs toute doctrine constituée, y compris celle du Bouddha, pour atteindre dans la solitude et par l'introspection un niveau de sagesse présenté incontestablement en exemple.
J'y vois aussi d'abord une marque de l'attraction qu'exerçait sur Hesse le fantastique "organisé", les signes mystérieux, les sociétés secrètes qui menaient grand train à l'époque de ce livre (1922). Le refus des systèmes (Siddhartha quitte la société brahmanique et refuse de se laisser enfermer dans celle du Bouddha) est un trait de son caractère indépendant, qu'il avait manifesté en quittant sa maison familiale. Mais c'est aussi, et là je suis plus mal à l'aise, un rejet du savoir comme noble but de l'œuvre des hommes. Que le savoir ne mène pas seul à la sagesse, nous le savons tous ; mais qu'il puisse y avoir de sagesse sans savoir est un mensonge, un retour à l'instinct, à la bestialité. Nietzsche jouait avec le feu en invoquant Dionysos contre Apollon, mais il n'aurait me semble-t-il jamais laissé le premier dominer seul le monde. C'est ce que les nazis comprendront si mal...
En revanche, ce roman met parfaitement en évidence un ingrédient essentiel de toute sagesse, le détachement, et cela est profondément bouddhique... ou stoïcien, d'ailleurs. Tout attachement, même source de plaisir honnête, est voué à se briser par la séparation de l'objet dans notre monde où le temps fait son œuvre, et devient un jour cause de souffrance. Et cela vaut aussi bien pour les êtres que pour les idées ou les biens. Beaucoup diront que cette prime à la solitude du cœur est insupportable et égoïste, et pourtant... Siddhartha souffrira de son attachement bien des fois ; en particulier, celui qu'il éprouve pour son fils voyou est touchant et est un grand moment de ce livre.
Retenons pour conclure une très belle réflexion : "Le savoir peut se communiquer, mais pas la sagesse. On peut la trouver, on peut en vivre, on peut grâce à elle opérer des miracles, mais quant à la dire et à l'enseigner, non cela ne se peut pas."
Éditions Livre de Poche No 4204
- Détails
- By livres-et-lectures.com
Hermann Hesse (1877 / 1962) écrit Demian en 1919. Veut-il exorciser la guerre, lui donner un sens, une utilité ? Homme sensible et fragile, farouche individualiste souvent révolté, pacifiste mais néanmoins adepte de la résurrection par le chaos, on peut penser que cet espoir d'une renaissance après le cruel enfantement de 1914-1918 n'est pas étranger à sa pensée. Mais tout d'abord Demian est un roman, très germanique, de "formation", un "Bildungsroman" qui décrit la tourmente subie par l'enfant qui devient homme. Emil Sinclair (ES, le pseudonyme emprunté à un oncle lointain de HH et sous lequel il publiera ce roman) a 10 ans au début du livre. Il ne connaît de la vie que la face que ses parents lui ont laissé saisir, et qu'ils ont légitimement limitée au bien, au bon, au juste selon leur règles, empreintes de protestantisme assez rigide. Dans ce monde là il dispose de tous les repères utiles à sa conduite.
- Détails
- By livres-et-lectures.com
Marlowe eut une vie brève et, semble-t-il, agitée en Angleterre, de 1564 à 1593. Ses activités spéciales (espion, dit on) et ses comportements répréhensibles à son époque (athée, homosexuel à l'occasion, sorcier peut-être...), ne le privèrent pas d'un succès éclatant comme auteur de théâtre, suivi de près par son contemporain Shakespeare. Est-ce un peu sa vie qu'il nous rapporte lorsqu'il décrit celle du bon Faust ? Non, bien sûr, et pourtant...
On discutera des influences littéraires qui ont pu l'amener à ce livre paru en 1593 : le Faust historique, le livre de Faust, traduction anglaise de l'allemand en 1588, les bouffonneries des "moralités médiévales" des siècles précédents et les éléments de folklore populaire. Ce livre présente néanmoins une belle unité, articulée autour de 3 pôles : le doute de Faust, sa vie débridée et sa repentance à l'approche de la fin de son contrat de 24 ans avec Mephisto. Le style est vif, agréable et se lit sans ennui. Pour tout commentaire, je me contenterai de trois remarques :
- Ce livre reste une apologie de la vie juste du chrétien soumis aux "lois" divines. Faust est saisi d'effroi devant sa liberté et tout usage qu'il en fait hors des préceptes de l'église est une infamie. Il le sait, il en souffre et tremble devant la punition de l'enfer. Il n'envisage pas un instant pouvoir user intelligemment de cette liberté qui ne s'affirme encore qu'en opposition à l'église. Pouvait-il en être autrement à la fin du 16ème siècle ?
- Et pourtant, Marlowe sent bien que cette liberté de l'homme est en train de naître, que Dieu et l'église lui mentent, au moins par omission et que le monde ne se résume pas à la révélation. C'est le drame, la tragédie, des hommes de cette époque, déchirés entre ce qu'on leur présente comme la seule voie du bien et l'irrésistible appel d'autres vérités qui commencent à poindre.
- Quant aux effroyables événements de la "vie condamnable et de la mort méritée du Docteur Faust", on reste confondus par leur innocence : des farces à nos yeux, des jeux de guignols qui bâtonne et qui plaisante, et quelques sauteries de collégiens. Serions-nous tous devenus sujets consentants de Méphisto ?
Éditions GF Flammarion bilingue 875 (1997)
Page 288 sur 314