"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
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L'histoire est le journal d'un jeune soviétique des années soixante dix, intellectuel correctement dissident, envoyé en mission en basse province pour y recueillir des éléments de folklore local. Un jeune coq qui sait tout sur les femmes, la politique, la vie. Une petite brute moderne comme on en fabrique, chez eux comme chez nous, mais qui par bonheur, voit une partie du monde par le regard sensible de Makine. Cela nous vaut de superbes descriptions de paysages russes.
Le véritable héros est le personnage qu'il rencontre dans ce village perdu, une femme qui attend, dit-on, le retour d'un fiancé parti en 1945 et apparemment disparu. C'est une expectative zen, paisible bien qu'intense, dont tout porte à croire que c'est une aspiration à bien autre chose et dont les mots ont du mal à trouver le contour. Une retraite hors du temps comme une antichambre du paradis, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle place cette femme au masque humain dans un destin irréel.
Cette femme-ange acceptera un instant un bain d'humanité normale pour les beaux yeux de son jeune coq et reprendra, immaculée, son statut angélique, laissant son jeune soviétique patauger dans son ego, abasourdi et lâche, trouvant son salut dans la fuite.
Croire à cela est sans doute un peu difficile, mais que c'est beau !
Si vous aimez Makine, deux autres fiches : La musique d'une vie et Le testament français.
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Makine, écrivain russe vivant, est un musicien des mots, de la pensée et certainement des notes... Il ne démontre pas, n'affirme rien. Il nous invite, par exemple, à l'accompagner dans cette gare froide et malodorante, où il attend un train pour Moscou au milieu d'une humanité modeste qui a froid mais qui supporte sans indignation son état d'"Homo sovieticus". Et il en fait une mélodie d'observations justes et souvent touchantes.
Des bribes de musique parfois rêvées, parfois réelles accompagnent cette attente. Et le narrateur échangera quelques mots avec un homme que le hasard placera à ses côtés dans le train de Moscou, homme qui se révélera être un pianiste accompli, que le la guerre et l'acharnement purificateur soviétique ont privé de son destin, presque de sa vie.
Le train favorise les confidences. En quelques instants la vie de ce pianiste a basculé, là-bas, lorsque ses parents, juifs ont été arrêtés par une police soviétique en mal de pureté ethnique et de pensée unique. Il se sauve et entre dans la clandestinité, trahi, abandonné. Empruntant l'identité d'un mort, il entre dans la guerre qui paradoxalement devient sa planche de salut. Il ira jusqu'à la victoire et le retour à la vie civile, sans cesse poursuivi par des éblouissements de musique, le signe du monde perdu.
C'est le détail, comme dans "Le testament français" qui révèle la qualité de Makine. Ses images sont douces, sensibles humaines. Jamais de violence inutile, de rébellion ;un art de vivre stoïque et exigeant qui n'est ni faiblesse ni renoncement. Ce livre est un hymne à la simplicité et aux hommes qui acceptent modestement de se construire sans illusion, dans un monde qui pèse lourdement sur eux. Une leçon d'humanité peu commune actuellement.
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