"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Ce livre est le récit de la gloire et de l'extinction de la famille de Camondo.
Ecrit d'une façon simple et directe il se lit bien en dépit de la complexité relative des liens familiaux, amicaux et d'affaire qui unissent les univers où se déroulent les faits.
C'est tout d'abord le monde de la finance juif séfarade pour qui les frontières sont à la fois trop étroites, mais aussi nécessaires pour trouver racine. Ce sera la quête de toute la vie de certains d'entre eux qui y réussiront avec éclat, par le don de leurs collections prestigieuses, mais aussi parfois de leur vie.
C'est aussi le monde aristocratique où ils évoluent, que la guerre de 14/18 mettra à mal qui entretient avec eux une relation paradoxale dont l'antisémitisme larvé n'est pas le moindre ingrédient.
C'est enfin l'univers des collectionneurs, capable par leur fortune, certes, mais aussi par la sûreté de leur goût de bâtir des collections dont le contenu rend rêveur…et dont nous profitons au Louvre et ailleurs.
Ce livre nous fait toucher du doigt l'ambiguïté de la position de ces hommes, mal intégrés par certains aspects et sur-intégrés par d'autres, pour qui la France n'a pas toujours eu une attitude bien digne. Si certains moururent "pour la France", d'autres, livrés, moururent "par la France".
Le récit de l'extinction de la lignée des Camondo est sombre et souvent émouvant.
Un beau livre qui donne matière à méditer.
Editions Gallimard Folio
Salman Rushdie fait preuve dans ce premier roman de son incroyable talent de narrateur et ses personnages vivent, nous fascinent, nous trahissent, car on y croit. Le roman tient, que l'Inde nous concerne ou non, écrit avec une vigueur qui ne se relâche pas et une verve et un humour à la frange du loufoque, sans pareils.
Comme "Les enfants de Minuit" ce roman prend prétexte d'une saga familiale pour nous conter en filigrane l'histoire mouvementée de l'Inde, à travers des destins exceptionnels.
Mais, au delà du plaisir de la lecture, je ressens un scepticisme, presque un désespoir devant la condition de l'homme. Parti pris d'un jeune auteur ? Les lotus poussent bien dans la boue… Tous les personnages trahissent, flirtent avec le pire. Monde rude, en rupture avec la tradition, sans vérité, et sans pardon. Est-ce vraiment l'Inde ?
Un beau livre qui se lit avec enthousiasme, mais profondément pessimiste.
Pocket Plon, 2000
Ce (gros) roman tisse avec bonheur la biographie d'un héros rêvé avec la naissance et le développement politique mouvementé de l'Inde.
Correspondances, vies parallèles, il faut bien se placer dans le monde du rêve et des possibles (parfois à la limite...) pour que la rencontre ait lieu. Et, elle a lieu, elle est picaresque, explosive et nous emporte sans retenue ni réserve.
Mais ce livre est aussi une merveilleuse leçon d'Inde, la mère des civilisations. Ce n'est pas une explication savante, mais une plongée active dans les mythes et les symboles qui structurent la vie de ce grand pays : relation aux autres et à l'univers, ordre et pagaïe, violence et amitié, dévotion et beuveries, temps passé des ancêtres, temps à venir des enfants. Tout ce qui donne forme à une civilisation et la structure pour durer est là, bouillonnant et chaud, à portée de notre oeil de voyeur et de témoin.
De plus, ce roman est drôle, parfois ubuesque, souvent sensible, toujours léger, et manie la langue (merci au traducteur !) avec grand bonheur.
La force de Balzac, dans la légèreté d'une bulle. A recommander sans réserve !
Editions du Rocher, 2000
Page 323 sur 324