"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Averroès est un juriste, docteur de la Loi et philosophe musulman de l'Espagne musulmane, encore riche et tolérante (cela va souvent ensemble…) du XIIème siècle. Il est surtout connu par ses commentaires de la quasi-totalité de l'œuvre d'Aristote.
En quoi le "Discours décisif" nous concerne-t-il encore ? D'abord par ce qu'il prouve par son existence que cette époque faisait preuve d'une ouverture philosophique supérieure à ce que nous croyons souvent en savoir. Mais surtout parce qu'il aborde et traite deux thèmes encore sensibles aujourd'hui (voir S. J. Gould : "Et Dieu dit…").
Le premier est celui de la place du philosophe face au théologien. Et la conclusion est formelle : la révélation exige que l'homme ne se contente pas d'agir selon la Loi, mais que doté par Dieu de raison il en use pour comprendre le monde, s'il en est capable. Notons que philosopher à cette époque couvre toutes les activités d'investigation rationnelle du monde.
Le second, à mes yeux le plus important, est que l'univers étant unique, il ne peut pas y avoir contradiction entre révélation et savoir. Et donc si une telle contradiction apparaît, c'est que l'interprétation de la Loi est erronée et doit être révisée. C'est en fait la reconnaissance d'un domaine de la pensée humaine distinct et indépendant de la révélation. On sait combien cette indépendance fut bafouée par le fanatisme chrétien qui devait suivre, même si (est-ce ironique ?) le XVIIème siècle fut appelé siècle de la raison.
Ce livre essentiel de la civilisation musulmane du XIIème siècle, germe d'une pensée libre et ouverte, précurseur de l'humanisme devrait, me semble-t-il faire de nos jours l'objet d'une relecture attentive.
Ce livre est le récit du combat que mène et perd un écrivain de plus de cinquante ans, célèbre et noble. Ce combat, qu'il identifie fort bien en lui trouvant de solides références mythologiques grecques, est celui d'un homme qui refuse les forces dionysiaques qu'il ressent en lui lorsqu'il tombe sous le charme d'un adolescent du même sexe que lui.
Cet homme a conduit sa vie sous l'empire apollinien de l'ordre et de la raison. Il en a tiré gloire, anoblissement et respect général. Il est ainsi totalement désarmé pour faire face à cet autre aspect de lui-même qu'il a toujours étouffé et sombre dans le délire et l'autodestruction.
Ce récit est le combat de Thomas Mann contre ce qu'il refuse en lui. Sa description des rites dionysiens (p.97/98) est une caricature que l'on pourrait croire inspirée par un croyant fondamentaliste. Au lieu d'y voir une part de soi à maîtriser, il y voit "luxure, frénésie et déchéance" imposée par le "Dieu étranger", Dionysos, alias une espèce de Satan ! Dans de telles dispositions d'esprit la chute est proche, on pourrait presque dire souhaitée, tant elle paraît insurmontable.
Autant cette éthique d'aveuglement me semble une erreur et une impasse, autant le livre est remarquablement écrit et construit.
Editions Fayard - Le livre de poche
L. F. , fondateur du "Spiegel" en 1908, a connu la persécution antisémite nazie en 1933, suivie de peu, en 1940, par la persécution antisémite française. Il s'échappera du camp français des "Mille" pour finir sa vie aux USA.
Ce livre de 1932 décrit la vie complexe de Flavius Josèphe, futur historiographe de l'empereur romain Vespasien (1er siècle de notre ère), mais auparavant brillant prêtre de la religion judaïque à Jérusalem.
Excellent roman historique, magnifiquement écrit, ce récit apporte beaucoup plus. Il nous fait vivre la tentative parfois désespérée d'un homme intelligent (trop ?) et ouvert, de concilier deux univers, le monde juif et le monde romain. L'un et l'autre le fascinent ; sa tête est romaine et son cœur juif. Il raisonne comme un juriste romain qu'il est un peu, il souffre et ressent comme un homme de Judée, souvent irrationnel, voire fanatique. Il est l'un et l'autre, convaincu que ces deux aspects de l'homme ne doivent pas se combattre mais s'enrichir mutuellement pour former un être plein.
Irénisme noble, mais contestable. L'histoire détruit toujours à terme plus ou moins long les temples des fanatiques, car leur vérités les aveuglent. Ils ne s'adaptent pas au monde, ils cherchent l'inverse : adapter le monde à leur vision et ils en meurent. L'homme raisonnable peut comprendre et parfois tolérer le fondamentaliste, alors que l'inverse ne se peut pas ; l'eau et le feu se mélangent mal. De quelles offrandes de sang et de larmes se payent la résolution de ces drames !
Livre très agréable et facile à lire, enrichissant au plus haut point.
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