"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
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Cet aimable canular aurait-il été mal écrit, je serais parti en courant. Mais JA est un maître. Car au fond, mystification un peu courte à part, c'est à penser autour de cette réconciliation de la foi et de la raison qu'il nous convie. Mais c'est surtout une invitation à fréquenter Averroès (voir son livre : Discours décisif) et Maïmonide dans leur jus. Son savoir, sa documentation, son sens du texte font le reste et, quoique l'on pense du fond, on sort ravi de cette lecture.
L'action se passe au 12 ème siècle dans le monde musulman d'alors, puissant mais en voie de déclin, perdant peu à peu sa tolérance et conduisant à l'exil ou à la mort ses grands hommes, comme le fera l'Europe du 20 ème siècle, d'ailleurs. Bien entendu cette réconciliation foi / raison, parfaitement utopique, n'aura pas lieu et n'aura, à mon avis, jamais lieu. Dialectique parfois utile, peut-être, fusion syncrétique non. Concilier la sécurité du dogme et la force de la révélation avec la sueur, l'incertitude et la responsabilité crue qu'entraîne l'usage de la raison ? On peut rêver.
Et bien, non. Nos braves Éveillés ont piégé Aristote en le déguisant en r-gourou (r- pour "raison", voyons !). L'église chrétienne médiévale avait aussi joué à ce jeu là, sans succès. Ici, notre r-gourou aura été jusqu'à pondre un "super-book", une sorte de bible/coran, qui "révèle" la voie. Pas de chance, il est perdu ; les Éveillés n'ont pas très bien fait leur boulot. Cette incursion de la révélation dans le domaine de la philosophie ne convainc guère. Le livre finit d'ailleurs en queue de poisson.
Il n'en reste pas moins que si je ne mords pas au fond (vous l'aviez peut-être compris ?) je reviens grâce à JA d'un merveilleux voyage avec des philosophes pré humanistes respectables et dont l'audace de pensée m'aide à garder l'espoir au milieu des fondamentalismes que j'ai vécus au XX ème siècle et qui, sous d'autres atours, vivent encore avec succès. C'est déjà pas mal, non ?
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L'érudition de ce livre est ce qui frappe à première lecture. Mais érudition non pédante, apportant pas à pas une intimité avec cette pensée propre au monde juif et que, non juif et en dépit des liens professionnels et amicaux forts avec de remarquables représentants de cette communauté, j'ignorais en partie. L'argent, c'est l'accroche ; mais ce n'est qu'un fil directeur d'un voyage qui va bien au-delà. C'est avant tout l'histoire culturelle du monde juif que nous propose l'auteur. Il en tire quelques thèses remarquablement construites et convaincantes.
Lire la suite... Jacques Attali, Les Juifs, le monde et l'argent
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Pascal évoque souvent des souvenirs de lycée plus ou moins agréables… Cette bibliographie qui se lit comme un roman nous invite (pour moi avec succès) à reconsidérer cet à priori et à redécouvrir un homme qu'en pratique nous ignorons presque.
Nous savions que la seconde partie de sa vie, celle des "Pensées" avait été avant tout une recherche mystique qui a assis sa célébrité. J'ignorais qu'en même temps se poursuivait sa recherche mathématique sur le calcul des intégrales, et qu'en entrepreneur capitaliste il lançait à Paris en 1662, année de sa mort, une société de transport en commun qui aura du succès !
Quel homme, et dans quel siècle ! En 1661, on brûle encore un hérétique place de Grève, mais Spinoza a 30 ans et Hobbes 74 ! Quant à Pascal, la diversité de ses facettes fait rêver. Il assumait jusqu'à sept identités différentes, chacune dédiée à une activité qu'il maîtrisait à la perfection : quasi-théologien, mathématicien, polémiste politique, entrepreneur, moraliste, physicien, mondain, etc. Et ce qui intrigue et fascine est l'unité de l'homme qui se dessine malgré tout derrière une telle diversité. Attali, de manière assez convaincante, identifie cela avec un "génie français". Le premier "intellectuel" en somme, en prise directe avec son époque.
Je crois cependant que Pascal, s'il appartient par ses découvertes physiques et mathématiques au futur, appartient au passé par sa pensée plongée dans le merveilleux religieux. Pascal est un stoïcien pessimiste dont l'Univers donné inclut sans débat possible une entité parfaitement réelle pour lui, Dieu. Le siècle suivant inaugurait une recherche encore vivante aujourd'hui : comment vivre si Dieu n'est qu'un fantasme humain ? On peut se prendre à rêver de ce qu'aurait pu être sa contribution à cette évolution de la pensée… De plus, cet homme si rigoureux dans ses travaux tournés vers la connaissance du monde devient d'autant plus sectaire voire fanatique que les objets de sa polémique religieuse sont flous : âme, grâce, prédestination, péché… Peut-être sentait-il la faiblesse de ces concepts… Sa capacité d'introspection et son génie font que malgré ce carcan idéologique il écrira sur l'homme et sa place dans le monde des choses immortelles, comme lorsqu'il nous rappelle par exemple qu'il ne suffit pas d'éviter l'erreur pour être dans la vérité.
Merci à Jacques Attali pour ce beau livre.
Editions Fayard
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