"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Cette courte nouvelle, une des premières œuvres de Fontane écrite en 1881 alors qu'il a 62 ans, vient seulement de recevoir cette traduction française.
Ce drame, un peu appuyé, est inspiré d'un fait réel. Nous nous laissons inquiéter par le sort d'une jeune femme, Hilde, "née sous une mauvaise étoile" et qui verra lui échapper tout ce qui pourrait faire le bonheur d'une vie, jusqu'à la vie elle même. L'intrigue est romantique à souhait, mais est en tel décalage par rapport à notre univers actuel qu'il faut faire un certain effort de plongée dans l'histoire pour la suivre avec sympathie.
C'est bien justement là l'intérêt de cette nouvelle. Car ce monde, dominé par les hommes, si possibles guerriers et arrogants, où la religion, et non la foi, définissait le "socialement correct", et qui acceptait encore sans vague une structure sociale rigide, est ici magnifiquement décrit, comme le sont les paysages de cette région. Le style est léger, coulant, plein de charme et nous attire encore, même si le fond du récit parfois relève de la science-fiction à rebours.
Éditions Le serpent à plumes (2001)
Ce roman raconte la descente aux enfers de Nafa, un jeune algérien, qui pour la cause islamiste devient un loup dans les années 1980.
Il avait peu de repères ni d'espoir dans la vie, et sous l'effet du hasard et du milieu où il se trouve, il va peu à peu commettre entre FIS et GIA des actes de plus en plus violents, sanglants, inhumains, ne trouvant jamais ni fraternité réelle, ni chaleur au sein des autres loups.
Ce livre au style sans grande personnalité fascine par la mise à nu des mécanismes bien huilés de cette aliénation graduelle, de cette deshumanisation progressive. Et l'impensable, le meurtre le plus abject, devient monnaie courante. Et lorsque le basculement s'est accompli, il est trop tard, la bête a pris les rênes.
Ne croyons pas un instant que nous, européens puissions éviter ce risque, cette barbarie commise au nom d'un dieu, le nôtre ou presque. L'allemagne nazie, les communismes, et autres nettoyages ethniques si proches de nous, en sont la preuve.
Foutu 20ème siècle !
Editions Pocket Julliard 1999
Le héros négatif, Didier le sujet, est un homme inculte, lâche, sans caractère et nourri des préjugés du temps. Mais il a le culte viscéral de l'empire et de l'empereur (Lénine, Hitler ou autres révélations auraient fait aussi bien), culte qui lui épargne de réfléchir et justifie à ses yeux et, hélas, à ceux du monde toutes ses pensées, tous ses actes. Il ne saurait avoir tort, quoi qu'il fasse, puisqu'il a l'illumination de la "vérité". Magouilles, affaires de fesses, lâchetés, détournements d'intérêts, trahisons de ses proches et de ceux qui l'ont aidé, commerce de ses sœurs, mépris des hommes, tout, absolument tout est juste et moral puisque procédant de sa foi qu'il clame haut et fort à l'empereur et à dieu, et qu'on le croit. Son propre succès sera celui de sa croyance et il ne ménage ni ses efforts ni ses intrigues pour l'assurer, c'est à dire s'enrichir, se faire élire, être décoré. Un bel apparatchik avant la lettre, vivant de son mensonge idéologique dans un monde qui ne peut plus ou ne veut plus lui rappeler qu'il est un salaud. Un sujet agissant qui évoque parfois le très beau livre de La Boétie, "Discours de la servitude volontaire".
Ce pessimisme prémonitoire se renforce à la rencontre de deux piliers de l'espoir qui s'avéreront vermoulus : une bourgeoisie libérale raisonnable qui l'est trop pour son temps et ne joue pas son rôle de contrepoids, et un syndicalisme avide de pouvoir et lui aussi convaincu que la "bonne" cause justifie trahisons et compromis inavouables. Ce tableau sombre sera, après l'effondrement de l'empire, réalisé au-delà de la caricature bien sentie de Heinrich Mann. Qui a dit que nous ne pouvions pas prévoir ce qui nous attendait ? Qui peut encore penser que sans la volonté de ceux qui l'habitent, la démocratie puisse par sa seule existence être un rempart à la folie ? Superbe livre à méditer.
Le roman, en revanche, n'est pas d'un style éblouissant. Ecriture, traduction ? Il se lit bien, sans plus. C'est la matière qui s'impose, sous une forme moyenne.
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