"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Livre assez bref et clair, où un homme mis en cause dans les affaires "Elf "ouvre (une partie ?) de son sac.
On aimera son rapide résumé de carrière et son engagement militaire et dans la DGSE, qu'il présente de manière sensible.
Sa mutation en consultant très bien payé en vendant son carnet d'adresses acquis au service de l'état choquera ceux qui croient au Père-Noël. Il ne suffit pas du carnet ; il faut aussi un certain talent. Et c'est cela qui est rémunéré.
La description d'Elf est un régal pour ceux qui comme moi pensent que lorsque l'état actionnaire garantit un monopole et l'impunité à des incapables actifs et ambitieux, ce qui est souvent le cas car le processus de choix des hommes se fait sur des critères faux, il en fait une maffia arrogante, qui gruge les contribuables et affaiblit à long terme les intérêts du pays : Crédit Lyonnais, Bull, entre autres, en attendant la suite. La lecture attentive de ce livre est à cet égard passionnante.
On attend beaucoup de la justice et des médias dans une telle situation. L'image qui se forme ici est un peu trouble et inquiétante, aussi bien en France qu'en Allemagne ou qu'en Suisse.
Mais surtout sort de cela très assombrie l'image des hommes qui, au sommet des états, ne contrôlent pas ceux qu'ils choisissent, perdus dans le tourbillon de leur propre carrière, et secondés par une administration qui ou bien leur obéit trop ou n'a plus la foi. Car gaspiller l'argent du contribuable est une chose, mais mettre l'état au service d'intérêts douteux en est une autre. C'est bien pourtant ce que ce livre décrit.
A lire d'urgence.
Editions Albin Michel
Pascal évoque souvent des souvenirs de lycée plus ou moins agréables… Cette bibliographie qui se lit comme un roman nous invite (pour moi avec succès) à reconsidérer cet à priori et à redécouvrir un homme qu'en pratique nous ignorons presque.
Nous savions que la seconde partie de sa vie, celle des "Pensées" avait été avant tout une recherche mystique qui a assis sa célébrité. J'ignorais qu'en même temps se poursuivait sa recherche mathématique sur le calcul des intégrales, et qu'en entrepreneur capitaliste il lançait à Paris en 1662, année de sa mort, une société de transport en commun qui aura du succès !
Quel homme, et dans quel siècle ! En 1661, on brûle encore un hérétique place de Grève, mais Spinoza a 30 ans et Hobbes 74 ! Quant à Pascal, la diversité de ses facettes fait rêver. Il assumait jusqu'à sept identités différentes, chacune dédiée à une activité qu'il maîtrisait à la perfection : quasi-théologien, mathématicien, polémiste politique, entrepreneur, moraliste, physicien, mondain, etc. Et ce qui intrigue et fascine est l'unité de l'homme qui se dessine malgré tout derrière une telle diversité. Attali, de manière assez convaincante, identifie cela avec un "génie français". Le premier "intellectuel" en somme, en prise directe avec son époque.
Je crois cependant que Pascal, s'il appartient par ses découvertes physiques et mathématiques au futur, appartient au passé par sa pensée plongée dans le merveilleux religieux. Pascal est un stoïcien pessimiste dont l'Univers donné inclut sans débat possible une entité parfaitement réelle pour lui, Dieu. Le siècle suivant inaugurait une recherche encore vivante aujourd'hui : comment vivre si Dieu n'est qu'un fantasme humain ? On peut se prendre à rêver de ce qu'aurait pu être sa contribution à cette évolution de la pensée… De plus, cet homme si rigoureux dans ses travaux tournés vers la connaissance du monde devient d'autant plus sectaire voire fanatique que les objets de sa polémique religieuse sont flous : âme, grâce, prédestination, péché… Peut-être sentait-il la faiblesse de ces concepts… Sa capacité d'introspection et son génie font que malgré ce carcan idéologique il écrira sur l'homme et sa place dans le monde des choses immortelles, comme lorsqu'il nous rappelle par exemple qu'il ne suffit pas d'éviter l'erreur pour être dans la vérité.
Merci à Jacques Attali pour ce beau livre.
Editions Fayard
Il s'agit d'un très beau conte, écrit en 1813, qui peut recevoir au moins deux lectures.
D'abord, c'est une histoire fantastique pleine de rebondissements, bien écrite, au style vif, qui mélange intimement le réel (la Dresde du 19ème siècle) et la fable, dans l'esprit romantique un peu échevelé allemand. Novalis n'est pas loin…
Mais c'est aussi le récit d'une quête initiatique de la "connaissance", de l' "Un", à travers une alternance d'épreuves bien réelles et de plongée dans le surréel et l'onirisme. Ce mélange permanent réel / surréel est magnifiquement conduit et ne se prend jamais trop au sérieux, en contraste avec le modèle avoué, La Flûte Enchantée de Mozart. Quelques indices :
- Le héros (Anselme), gaffeur dégoûté d'une vie terrestre pleine d'échecs, en dépit de ses qualités profondes, aspire à la Connaissance (l'extase mystique) qu'il a un jour entrevue.
- Un gourou (l'archiviste) va alors lui montrer les épreuves à surmonter (copie de grimoires insensés) et le guider.
- Il lui montrera que le monde réel est comme un enfermement dans une fiole de cristal. Certains s'en contentent…Lui non.
- Il l'aidera à comprendre la grande unité du "tout". La voie qu'il lui fera prendre, classique dans la philosophie orientale et peu ou prou dans toutes les mystiques, est celle de l'union des contraires - complémentaires, ici l'homme et la femme. Sa fille, le petit serpent vert, sera le pôle féminin dont Anselme tombe amoureux, prélude à l'union charnelle et mystique.
- La scène finale de la 12ème veille n'est rien autre qu'un accouplement mystique, dans la ligne du bouddhisme tantrique ou du Cantique des Cantiques : "O mon bien aimé ! Le Lis a ouvert son calice…, le but suprême est atteint ; y a-t-il une félicité qui s'égale à la nôtre ? …". Rideau !
Un livre plein de charme, un peu désuet, mais qui donne deux heures de belle lecture.
Editions Aubier - bilingue - Domaine allemand
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