"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Ce Ruffin-ci, avec deux f, nous offre un bien agréable roman, construit sur une hypothèse plausible de cette énigme féconde. Mais c'est surtout, écrit avec un talent incontestable, une promenade légère et pleine d'humour dans ce 17e siècle de Louis XIV et son zoo aristocratique.
D'habitude, l'histoire, on l'apprend. Ici, mortecoilles, on la vit, on la sent et ça ne sent pas toujours la rose. Et plus vous ignorerez l'histoire de 1048 à 1087, plus vous lirez ce roman comme un thriller historique dont vous voudrez, toutes affaires cessantes, connaître la fin.
L'histoire est celle de Guillaume de Normandie dit "le Conquérant", qui fit de ce pays un pôle puissant et prospère de notre histoire européenne. Rien ne fut simple, dans ce monde féodal divisé, aux alliances en perpétuel changement. Il ne faut pas oublier qu'à cette époque une information mettait plusieurs semaines pour faire quelques centaines de kilomètres, sans preuve qu'elle était bien arrivée. Ceci, au passage, explique en partie la féodalité, fondée sur des liens de proximité. S'ajoute une intrigue policière autour de livres sulfureux, qui pimente l'action.
Soyons rassurés : ce n'est pas par ce qu'on trouve des solutions rationnelles aux mythes féconds qu'ils cessent de l'être. Sinon qu'adviendrait-il de nos religions et de nos lendemains qui chantent ? Ce qui n'empêche nullement de passer un bon moment constructif-déconstructif à la lecture de ce court roman historique.
L'auteur, en moins de 100 pages, mène l'enquête. Que sait-on de certain dans cette affaire (elle date du début du 18e s.) ? Qui a dit ou écrit quoi et surtout, quelle hypothèse heurte le moins la vraisemblance historique ? La pelote va se dénouer sous notre regard pour conduire à quelque chose qui tient debout, même si ceux qui auraient pu confirmer sont morts depuis bien longtemps.
Après les 29 grands romans, les 205 livres et articles et les 22 films sur le sujet, ne craignons pas un instant que la source ne soit tarie. De preuve irréfutable (irréfragable ?), il n'y a pas et l'imagination a besoin de tels appuis pour s'envoler. J'y contribuerai d'ailleurs modestement en suggérant à l'auteur un vrai roman historique de 600 pages, construit sur sa solution, bien riche de faits incontrôlables, mais plausibles, de la fesse, de l'honneur, du panache et de l'humour... Il sait si bien le faire : faites donc une recherche ici ou ailleurs sur l'auteur. Et, pourquoi pas, un film ?
En attendant cette parousie, contentons-nous du charmant squelette offert démasqué, qui se lit avec un plaisir incontestable, car, comme le dit un historien "In the mystery of the Iron Mask, there is finally more irony than iron..."
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