"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
SZ nous présente là, bien entendu, l'homme plus que la doctrine. Mais peut-on les distinguer réellement ? FN, dans sa solitude forcenée et que ses comportements avaient rendue presque inévitable, vit dans sa tête les principes qu'il énonce. Son influence sur le monde de son temps est, par contre, à peu près nulle.
Sa méthode, à elle seule, est une injure à la componction universitaire. Il court, tel Don Juan, d'une idée à l'autre, change d'avis, change de résidence et, de maladie en maladie, traîne sa carcasse. Mais il préserve l'incroyable acuité de son esprit, envers et contre tout. Il sait, il voit, mais il ne peut rien faire.
Je dirai, à titre personnel, qu’il y a chez lui deux figures inégales. L'une est celle du visionnaire, d'une extraordinaire lucidité, qui comprend que les bases de notre monde vacillent et le montre. C'est le "Crépuscule des idoles". L'autre est celle du créateur de système, que j'aime moins. Il me semble que son ignorance du monde réel et son absolu manque de pratique lui interdisaient autre chose que des constructions fort intellectuelles et excessives.
Cette remarquable biographie aide en revanche à rendre moins distant un personnage essentiel de la pensée contemporaine qui a été souvent exploité à tort et à travers. SZ est vraiment un écrivain exceptionnel !
23 juillet 2009
Je viens de relire ce livre et mon enthousiasme de la note ci-dessus s'est beaucoup apaisé. C'est peut-être l'effet de Nietzsche qui peut provoquer à la fois le blanc et le noir sans faire de gris...
Il me semble que ce portrait passionné, exalté, passe à côté de la pensée de FN, comme si sa genèse importait plus que son contenu. Au fond, cette vision très romantique ne nous apprend presque rien sur une pensée philosophique majeure de notre temps, alors que c'est cela et cela seulement, qui reste de cet homme hors norme.
Ma relecture est une déception.
Si ce roman,écrit en 1913, n'est pas ce que l'auteur a fait de mieux, il se lit cependant avec grand plaisir.
L'histoire est celle d'un jeune officier pauvre, qui éprouve une grande pitié pour une jeune (et riche !) infirme. Sentiment trouble et situation ambiguë où l'officier voit aussi son intérêt : être reçu par une famille aisée dans une ville de garnison où il est seul. Mais cette pitié déclenche chez l'infirme un amour violent dont l'issue sera tragique.
Cette intrigue est, pour moi, légère et peu captivante. Tout n'y est qu'excès sans atteindre à la démesure et la qualité tragique d' autres œuvres de l'auteur, comme "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme". Que cet officier ne sente pas dans quel guêpier il s'engage est peu crédible et qu'il prenne d'aussi mauvaises décisions quand le drame est avéré est fort artificiel.
Il reste le style superbe de l'auteur et la description de ce monde de garnison autrichien qui va disparaître dans la guerre imminente. Ce n'est déjà pas si mal...
Éditions Grasset - Les cahiers rouges 1987
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