"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Ce Ruffin-ci, avec deux f, nous offre un bien agréable roman, construit sur une hypothèse plausible de cette énigme féconde. Mais c'est surtout, écrit avec un talent incontestable, une promenade légère et pleine d'humour dans ce 17e siècle de Louis XIV et son zoo aristocratique.
Ce livre est une biographie partiale de DCh, fondée sur des entretiens. Staline et ses méfaits criminels y sont omniprésents ainsi que leur toxicité sur la vie culturelle russe. Et tout cela est raconté, comme si DCh le faisait lui-même, en oscillant entre désespoir et humour.
Il s'agit de l'histoire du "Canard Enchaîné" et de ses "affaires". On y découvre en particulier que l'image de liberté et d'indépendance que ce magazine voudrait avoir ne colle pas bien avec une réalité où le jugement des journalistes est entravé par les idéologies de gauche et l'affection sans borne pour Mitterrand. On a les dieux qu'on se donne.
Heureusement, l'histoire du Canard ne se résume pas à ça. Le livre montre bien les phases de cette histoire : au début, un journal un peu anar qui critique tout, puis un journal plus politique, d'investigation, moins spontané, après la guerre d'Algérie. C'est là qu'il va se trouver impliqué, souvent en initiateur, dans les marécages des affaires. Incontestablement, en faisant sortir des magouilles que certains auraient voulu garder cachées, il rend un service de contre-pouvoir, indispensable à une démocratie qui doit le craindre. L'Etat cherchera même (affaire des micros) à le maîtriser, sans succès heureusement.
Tout cela est humain et donc n'est pas exempt de passion, pour ou contre. Pour Mitterrand (ciel !) et contre "La droite" qui, de temps en temps, le mérite bien. Mais au risque d'y perdre la confiance des lecteurs qui le sentent trop. Que tous les maquignonnages du bon François soient passés sous silence ou tournés à son avantage ne relève plus de la recherche de la vérité, mais de la foi. On pardonne bien aux dieux de condamner tous les hommes à mort...
Ce que j'apprécie à la lecture de ce livre, c'est qu'il ne cherche jamais à jouer le super héros, même s'il désapprouve, visiblement. C'est ça la tolérance. L'image du magazine en sort plus claire et au fond, plus humaine.
Page 152 sur 321