"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Vers 1560, des français ont tenté de prendre pied au Brésil dans des circonstances hautes en couleurs. C'est le sujet de ce roman au style facile et coulant, bien construit, qui se lit avec intérêt. En faire un Goncourt en 2001, me semble beaucoup d'honneur même si on peut apprécier le talent de conteur de JCR.
L'histoire de cette conquête ratée, et bien oubliée aujourd'hui (mérite-t-elle mieux ?), est structurée autour de thèmes qui en composent le succès : le contact un peu dur de civilisations totalement étrangères, la vanité arrogante des croyants de tous bords, la découverte de l'amour et le rappel (beaucoup l'oublient) que la nature sait aussi être une menace pour l'homme autant que son refuge.
Tout cela est bien écrit, bien documenté. Un livre agréable.
GCL (1742, 1799) est un superbe représentant de l'époque des "lumières", plein d'esprit, sceptique et humaniste. Qu'il était donc enthousiasmant ce monde où l'homme allait se débarrasser de ses illusions stériles et, par son art et ses oeuvres, rendre sa terre habitable pour tous ! Du haut de cette certitude, on comprend mieux l'ironie manifestée envers ceux qui restent empêtrés dans leurs vieilles croyances :
"Il y a un art de la ventriloquence transcendentale grâce auquel il est possible de convaincre les gens que ce qui est dit sur terre viendrait du ciel"
GCL croit au progrès et surtout à son avènement certain dans le monde à venir. Non que ce soit facile, mais effort et lucidité y conduiront.
"Bien des gens, et sans doute la plupart, ont besoin de savoir qu'une chose existe avant de la découvrir".
Peut-être aujourd'hui croyons nous encore que le progrès est possible ; mais nous savons, forts d'un peu plus d'expérience, que son avènement sera long et pénible, s'il est imaginable, et que les illusions simples en forme de raccourci vers le bien, politiques ou religieuses, ont la vie dure et des adeptes fanatiques. Ce qui, bien entendu n'est pas une raison de baisser les bras, même si la vie est courte. Un optimisme raisonnable y aidera :
"Il faut savoir que, dans tout le pays et depuis cinq cents ans, personne n'est mort de joie".
Une sorte de livre de chevet gourmand, pour garder l'espoir et le sourire.
Page 273 sur 328