"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Sandor Marai (1900 - 1989) est un écrivain hongrois important que l'on découvre peu à peu. Ces très longues "confessions" sont d'abord un moyen, pour ceux que l'histoire intéresse, de découvrir les derniers moments de la grande culture bourgeoise de l'empire austro-hongrois finissant. Celle-ci a façonné le monde de l'Europe centrale incluant l'Allemagne et , sans la guerre de 1914, son modèle politique aurait peut-être permis de donner à l'Europe qui se cherche un exemple que Monsieur Giscard d'Estaing a bien peu de chance de faire naître.
On suit SM dans son parcours bohème en Allemagne et plus précisément à Berlin où il vivra la folie de ces moments d'après guerre et la frénésie d'une dérive qui conduira à la faillite de la république de Weimar.
Il découvrira de même le Paris difficile de l'entre deux guerres, journaliste à succès, au coeur d'une faune souvent décrite par ailleurs.
Mais la nostalgie de son pays natal l'amène à retourner en Hongrie, car, comme il le dit lui même, la seule patrie d'un écrivain est sa langue. Il y découvre finalement sa véritable vocation d'écrivain dont l'exercice du journalisme, si avide de dévorer l'instant, l'avait éloigné. Et la fin de ce journal est un très beau moment devant cette révélation du besoin irrépressible d'écrire chez cet homme qui pour cela quitte peu à peu un monde qu'il avait tant aimé et dont il avait peut être abusé. "J'espérais simplement qu'un jour... j'aurais l'occasion de dire en une ligne ce qu'aucun autre ne saurait dire à ma place". Belle profession de foi ?
Ce journal est aussi truffé de réflexions, souvent pénétrantes, sur la liberté, la solitude, l'amour, le travail. Comme pour tout journal, le lecteur souffre parfois de l'absence d'intrigue pour soutenir son intérêt.
Une gêne aussi s'installe tout au long de ce texte : SM s'y montre constamment comme un bouchon sur la vague, sans volonté propre, sans pilote, ami ou amant ni très fiable ni très sincère. Caprice d'auteur qui a réussi ? Si, comme il le dit lui même " la discipline volontaire est en quelque manière garante d'une certaine liberté" est-il donc l'esclave de son destin ? Coquetterie, je pense. mais cela donne un ton qui parfois lasse. Ce qui n'enlève qu'un peu de valeur à ce bon livre...
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