Il faut bien connaître l'histoire chinoise et les valeurs de ce peuple pour écrire avec autant de brio un livre aussi riche et d'une écriture aussi légère et agréable. Une véritable réussite.
Il s'agit d'un roman historique dont le héros est le narrateur, le dernier empereur chinois des "Songs du Nord" (XII siècle) exilé aux confins de l'empire par les envahisseurs qui l'ont chassé. Il faut aussi savoir que l'époque des "Songs du Nord" a été celle d'admirables réussites en peinture, céramique, poésie et calligraphie en particulier. Un sommet culturel de la Chine en quelque sorte lié à une prospérité considérable, qui devait attirer les "barbares" du Nord. C'est ce que ce roman expose.
Cet empereur avait un rêve : faire de la Chine le royaume de la beauté ! Son entourage profite de cette folie qu'il encourage pour piller l'empire à des fins personnelles. Le gâchis, la gabegie s'installent peu à peu sans que personne ne prenne la mesure des menaces qui pèsent et qui vont se réaliser. Le sens de l'Etat se perd, les caisses se vident et l'inéluctable se produit. Mais n'est ce pas le cycle régulier de l'histoire chinoise qui se déroule là ?
On ne peut qu'être étonné par l'incroyable faiblesse de l'éducation de ce futur empereur isolé dans sa "cité interdite" vivant une existence coupée du monde mais aussi des simples réalités de la vie. Il sera obligé de faire le mur pour découvrir furtivement qu'il existe autre chose que son nid. Ce sera insuffisant pour qu'il acquière un savoir faire, ni même une conscience à la mesure de ses responsabilités. Il sera particulièrement coupable des choix lamentables de ceux à qui il confie les affaires et qu'il élit pour avoir été des compagnons de débauche ou des pourvoyeurs de plaisirs, flattant ses illusions ruineuses. Personnage incompétent et odieux, privé de jugement ou de sentiments, idéologue ès idées folles ! Il conduit son peuple à la misère et à la servitude. La fin paisible qui lui échoit est une injustice de plus dans un destin qui en était tissé.
Et pourtant, les réflexions qu'il fait sur le beau sont parfois des enchantements pour l'esprit. A l'évidence, cela ne suffit pas pour faire un homme et encore moins un empereur.
Ce livre vaut aussi, au delà de la fresque historique, par les multiples fenêtres qu'il ouvre sur la culture chinoise, et en particulier sur le taoisme pour nous souvent fort étrange dans ses principes.
Un livre à recommander chaudement à ceux qui s'interessent, même de loin, à cette civilisation, la plus ancienne de notre planète.
Editions Phébus 2002