"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Ce manuel est absolument remarquable par sa clarté sur l'iconographie du bouddhisme tibétain. Comme pour le livre plus généraliste de Frédéric (Les Dieux du bouddhisme), il est hors de propos de le résumer.
Nous noterons seulement quelques points utiles :
- Il se lit plus efficacement si l'on possède une idée du monde du bouddhisme. Rappelons en particulier, comme cela est vrai également pour le livre de Frédéric, que les images sont non pas, comme chez nous, des visions de Dieux ou de saints, mais des transcriptions concrètes de concepts et en particulier de textes sacrés ou de "vertus" supports de méditation. Citons par exemples des "tantras" (comme le Kalachakra), ou la compassion si souvent représentée (par exemple Avalokiteshvara ou les Taras). Les personnages représentés n'ont donc aucune prétention à exister ! Mais leur vue aide l'adepte à s'imprégner d'une parole ou d'une vertu importante.
- Il est essentiel de comprendre la structure qui régit cette foule de représentations. C'est bien sûr la même que celle du bouddhisme du Tibet. Le livre est tout à fait précieux pour mettre un peu d'ordre.
- Chaque représentation est accompagnée d'explications et d'anecdotes qui font de ce livre plus qu'un simple document de travail.
Et puis, on n'a rien sans effort...
Éditions Claire Lumière 2002
Ce roman est celui de l'initiation de Siddhartha, indien de l'époque du Bouddha historique (il va le rencontrer), c'est à dire en au 6ème s. avant notre ère. On pourrait y voir aussi la tentative de l'occidental HH de mettre au clair sa relation de séduction - frustration avec le bouddhisme, un bouddhisme un peu rêvé, un peu idéalisé. Notre héros repoussera d'ailleurs toute doctrine constituée, y compris celle du Bouddha, pour atteindre dans la solitude et par l'introspection un niveau de sagesse présenté incontestablement en exemple.
J'y vois aussi d'abord une marque de l'attraction qu'exerçait sur Hesse le fantastique "organisé", les signes mystérieux, les sociétés secrètes qui menaient grand train à l'époque de ce livre (1922). Le refus des systèmes (Siddhartha quitte la société brahmanique et refuse de se laisser enfermer dans celle du Bouddha) est un trait de son caractère indépendant, qu'il avait manifesté en quittant sa maison familiale. Mais c'est aussi, et là je suis plus mal à l'aise, un rejet du savoir comme noble but de l'œuvre des hommes. Que le savoir ne mène pas seul à la sagesse, nous le savons tous ; mais qu'il puisse y avoir de sagesse sans savoir est un mensonge, un retour à l'instinct, à la bestialité. Nietzsche jouait avec le feu en invoquant Dionysos contre Apollon, mais il n'aurait me semble-t-il jamais laissé le premier dominer seul le monde. C'est ce que les nazis comprendront si mal...
En revanche, ce roman met parfaitement en évidence un ingrédient essentiel de toute sagesse, le détachement, et cela est profondément bouddhique... ou stoïcien, d'ailleurs. Tout attachement, même source de plaisir honnête, est voué à se briser par la séparation de l'objet dans notre monde où le temps fait son œuvre, et devient un jour cause de souffrance. Et cela vaut aussi bien pour les êtres que pour les idées ou les biens. Beaucoup diront que cette prime à la solitude du cœur est insupportable et égoïste, et pourtant... Siddhartha souffrira de son attachement bien des fois ; en particulier, celui qu'il éprouve pour son fils voyou est touchant et est un grand moment de ce livre.
Retenons pour conclure une très belle réflexion : "Le savoir peut se communiquer, mais pas la sagesse. On peut la trouver, on peut en vivre, on peut grâce à elle opérer des miracles, mais quant à la dire et à l'enseigner, non cela ne se peut pas."
Éditions Livre de Poche No 4204
Hermann Hesse (1877 / 1962) écrit Demian en 1919. Veut-il exorciser la guerre, lui donner un sens, une utilité ? Homme sensible et fragile, farouche individualiste souvent révolté, pacifiste mais néanmoins adepte de la résurrection par le chaos, on peut penser que cet espoir d'une renaissance après le cruel enfantement de 1914-1918 n'est pas étranger à sa pensée. Mais tout d'abord Demian est un roman, très germanique, de "formation", un "Bildungsroman" qui décrit la tourmente subie par l'enfant qui devient homme. Emil Sinclair (ES, le pseudonyme emprunté à un oncle lointain de HH et sous lequel il publiera ce roman) a 10 ans au début du livre. Il ne connaît de la vie que la face que ses parents lui ont laissé saisir, et qu'ils ont légitimement limitée au bien, au bon, au juste selon leur règles, empreintes de protestantisme assez rigide. Dans ce monde là il dispose de tous les repères utiles à sa conduite.
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