"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Friedrich Maximilien von Klinger a vécu de 1752 à 1831 et s'est rendu célèbre par une pièce de théatre "Sturm und Drang" qui a servi de définition à une époque artistique, particulièrement en littérature, musique et peinture. Ami de Goethe il participe à cette période mouvementée qui, en Allemagne, annonce le romantisme. Voir sa biograhie (en allemand).
Il reprend ici, à sa manière, le mythe de Faust du début du 16e siècle, mythe que les luthériens avaient utilisé dans leur combat contre l'église catholique. Qu'il ait même repris quelques idées à Goethe n'est pas invraisemblable. Et pourtant son roman à vocation morale est fort original et mérite la lecture, d'ailleurs facile.
Quelques idées principales, pas très neuves d'ailleurs, émergent à sa lecture :
- Le monde est un enchaînement complexe de causes et d'effets, que l'homme ne comprendra toujours qu'incomplètement. Il ne mesurera jamais parfaitement la portée de ses actes. La prudence s'impose dans le bien, comme dans le mal qui peuvent aboutir parfois à l'inverse de ce que l'on recherche.
- La sagesse veut que l'on essaie d'abord de se satisfaire de son sort, en se tenant aussi près que possible de la simplicité.
- La société, le pouvoir, le savoir, la richesse pervertissent l'homme, sans rémission. Rousseau n'est pas loin... L'homme juste et bon existe dans les classes les plus simples de la société, les plus proches de la nature.
- L'homme possède un libre arbitre qui le rend responsable de son destin.
Ce livre, au dela de ses discussions philosophiques heureusement réparties dans son texte est aussi (et surtout, peut-être ?) prétexte à raconter (fort bien) pour notre édification des aventures hautes en couleurs, pleines de stupre et de fureur, au récit desquelles le lecteur, au lieu de s'indigner, l'immonde, ne manquera pas de se réjouir ! Le pape proposant au diable une partie de jambes en l'air vaut le détour...
Allez, amusez-vous bien, pêcheurs invétérés...
Éditions Actes Sud 1988
Le livre de Martine Leibovici (ML) est une tentative de donner corps à la judéité d'Hannah Arendt (HA), philosophe essentiel du 20ème siècle (1907-1975). C'est aussi et surtout faire la part de cette judéité, réelle ou rêvée, dans l'élaboration de la pensée politique d'HA. Pour qui tient comme moi HA en estime, ce livre est admirable, qui nous livre mille clés pour la lecture de textes fondamentaux comme "Condition de l'homme moderne", "Origines du totalitarisme" ou "La crise de la culture", entre autres.
Lire la suite... Martine Leibovici, Hannah Arendt, une Juive
HvH (mort en 1929) a écrit ce roman avec beaucoup de mal, et ne l'a pas terminé. Le pouvait-il d'ailleurs ?
Tout ici est confusion, déroute, voies sans issue. La structure même (forme du Bildungsroman selon le Wilhelm Meister de Goethe), l'amas de notes prises pour le préparer, les caractères au contour flou, l'espace d'une Venise flottante, tout, absolument tout s'enroule et se déroule sur soi-même sans aboutir.
Ce roman, commencé avant la guerre ne réussit pas à enjamber cette effroyable époque. Tout y est échec : l'affection l'amour, la vie sociale, l'homme. Un monde est mort avec les tranchées que HvH ne surmonte pas. Solitude, illusions, visions creuses, Andreas se perd où qu'il aille, quoi qu'il fasse.
C'est la fin, un peu pitoyable, du romantisme qui n'est remplacé par rien ; c'est la souffrance de l'Allemagne privée de ses anciens mythes, à qui il faudra la purge nazie pour les enterrer pour de bon. Comment pouvait se construire Weimar avec de tels intellectuels ? Relisons à ce propos "Le suicide d'une république : Weimar" de P. Gay ; tout y est.
Un étrange et fascinant roman qui nous aide à comprndre les convulsions de notre grand voisin.
Éditions Folio bilingue 41 (1994)
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