"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Le livre de Martine Leibovici (ML) est une tentative de donner corps à la judéité d'Hannah Arendt (HA), philosophe essentiel du 20ème siècle (1907-1975). C'est aussi et surtout faire la part de cette judéité, réelle ou rêvée, dans l'élaboration de la pensée politique d'HA. Pour qui tient comme moi HA en estime, ce livre est admirable, qui nous livre mille clés pour la lecture de textes fondamentaux comme "Condition de l'homme moderne", "Origines du totalitarisme" ou "La crise de la culture", entre autres.
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HvH (mort en 1929) a écrit ce roman avec beaucoup de mal, et ne l'a pas terminé. Le pouvait-il d'ailleurs ?
Tout ici est confusion, déroute, voies sans issue. La structure même (forme du Bildungsroman selon le Wilhelm Meister de Goethe), l'amas de notes prises pour le préparer, les caractères au contour flou, l'espace d'une Venise flottante, tout, absolument tout s'enroule et se déroule sur soi-même sans aboutir.
Ce roman, commencé avant la guerre ne réussit pas à enjamber cette effroyable époque. Tout y est échec : l'affection l'amour, la vie sociale, l'homme. Un monde est mort avec les tranchées que HvH ne surmonte pas. Solitude, illusions, visions creuses, Andreas se perd où qu'il aille, quoi qu'il fasse.
C'est la fin, un peu pitoyable, du romantisme qui n'est remplacé par rien ; c'est la souffrance de l'Allemagne privée de ses anciens mythes, à qui il faudra la purge nazie pour les enterrer pour de bon. Comment pouvait se construire Weimar avec de tels intellectuels ? Relisons à ce propos "Le suicide d'une république : Weimar" de P. Gay ; tout y est.
Un étrange et fascinant roman qui nous aide à comprndre les convulsions de notre grand voisin.
Éditions Folio bilingue 41 (1994)
J'ai eu du mal à terminer ce bref roman de 1919 et à aucun moment je n'ai trouvé à sa lecture un soupçon de cet assentiment qui nous entraîne parfois dans la trace d'un auteur.
Le symbolisme romantique qui en est sa matière est naïf, prétentieux et démodé au même titre que le livret de la "Flûte enchantée" de Mozart, dont il est souvent parallèle.
Entre autres découvertes, on assiste à l'initiation de deux couples à l'Humanité (sic), à l'accomplissement de leur sexualité dans la reproduction (mais si, mais si ), et autres banalité de ce style. Je tremble encore sous le choc. Et tout cela avec sérieux et componction.
Je ne suis pas d'accord. Ces révélations de La Voie qui devraient s'imposer ainsi aux hommes de façon transcendante sont les suppôts d'une idéologie fondamentaliste, menteuse et haïssable. C'est la simplification à l'extrême du bien contre le mal, le refus du compromis, en fait le refus de la vie. Et l'Allemagne gangrenée de ce romantisme illusoire et destructeur en crèvera, incapable de bâtir la république et la démocratie. Nous sommes en 1919.
Si le fond me parait détestable, la forme est encore pire. Les symboles foisonnants, les sorcières, la magie, les grottes obscures, les oiseaux qui parlent, les visions oniriques, les flambeaux qui illuminent cette obscurité complaisante et malsaine que les nazis consommeront sans réserve, tout cela me répugne. Il n'est pas trop surprenant que Strauss, musicien accompli mais homme douteux, se soit complu à ces calembredaines. Moi, pas.
Éditions Livre de poche (biblio) 1992
Page 300 sur 324