"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Fiches de lectures, critiques de livres, personnelles et subjectives !
Inscrivez-vous ici pour recevoir l'annonce des nouvelles fiches de lectures
- Détails
- By livres-et-lectures.com
Cinq nouvelles ciblées sur l'influence réciproque de civilisations en contact et sur ce qui peut en naître de fertile. Une sorte de "Bildungsroman" des civilisations ( le discours politiquement correct dit aujourd'hui "cultures") métissées qui cherche plus à convaincre par le coeur que par la raison.
Ces nouvelles ne sont pas indépendantes. C'est sans doute d'ailleurs, ce qui fait le charme de ce livre. Parallèles entre les Espagnols considérés par les Romains comme des sauvages et les Mexicains, à leur tour, sauvages des Espagnols, par exemple. Des doubles s'installent partout, souvent commentés au-delà de leur mort par les protagonistes eux-mêmes. Un chef-d'oeuvre de virtuosité littéraire.
Ce que CF manifeste ici de plus intéressant, à mon sens, est que ces dualités vont au-delà de la neutralité des jeux de miroirs. C'est un métissage, une sorte d'interférence, qui naît là et qui engendre une civilisation neuve, c'est-à-dire une manière nouvelle, partagée par un groupe humain, de vivre le monde, dont les clés ne sont pas données.
Rien ne parle ici, en revanche, à la raison. Un lyrisme souvent extrême, presque emphatique, parfois lasse. Le feu, le sang, la mort m'a toujours paru un truc littéraire, très espagnol, pour donner aux mots un poids que j'attends plutôt de la pensée bien conduite. Ce qui n'enlève rien au panache de ces cinq nouvelles...
- Détails
- By livres-et-lectures.com
La mort du héros met souvent un terme à sa carrière. Pas ici, où son cadavre joue une mélodie en mouvement décalé, créant une polyphonie inhabituelle avec son existence consciente. Etrange, non ?
Ce décalage est voulu par l'auteur. Il fait se succéder par blocs de quelques pages, l'évolution de la vie d'un grand pianiste et celle de son cadavre. Un enfant manifeste des dons exceptionnels pour la musique et en particulier le piano. Il en fera sa carrière, réussie jusqu'à un certain point, en dépit de son insupportable laideur. (Mais, pourquoi est-il si laid ?) Puis, victime de sa tension extrême, de sa solitude et de la réduction de sa vie à une machine à jouer, il se casse à 25 ans.
En parallèle se déroule l'autre existence, celle de son cadavre, aussi seul que l'homme avait été pendant sa vie. Rien ne va nous être épargné de cette progressive décomposition et de ses phases, décrites ici avec un détail presque maniaque : transformations chimiques, physiques, biologiques, aidées par des cohortes d'insectes spécialisés aux noms poétiques, comme Sarcophaga carnaria (belle bête !) ou Nécrophorus fossor... Véritable découverte pour l'ignorant que jusque-là j'étais !
Au delà de ce qui apparaît parfois comme une volonté de performance dans l'étrange, le livre est un morceau de bravoure qui se lit fort bien et qui trouve son équilibre dans le ton distancié et souvent plein d'humour de JLB.
Un des romans les plus originaux qui m'aient été donnés de lire.
- Détails
- By livres-et-lectures.com
Que cette littérature apporte de fraîcheur ! L'auteur a eu une vie riche de contacts avec des hommes exceptionnels, en particulier, mais pas seulement, dans le domaine des sciences physiques et mathématiques. De cette expérience il extrait sa philosophie de vie, sans théoriser, sans passion, sans idéologie. Jamais il n'exploite non plus sa grande notoriété scientifique pour affirmer des "vérités" que ce soit dans son domaine ou en dehors. C'est assez rare pour être noté. Paradoxalement, cette modestie simple donne à ses choix une puissance remarquable.
FD est, bien que physicien théoricien, un homme de l'expérience : "Les grandes avancées scientifiques résultent le plus souvent de nouveaux outils, et non de nouvelles doctrines". Toute son approche manifeste ce pragmatisme ouvert, qui attend de la plongée critique dans les faits observés la source de tout progrès de la compréhension du monde. Son approche prudente des questions que soulève l'évolution climatique en relation avec le carbone en est un bel exemple, comme sa réserve sur toute spéculation et à plus forte raison, toute "vérité".
Conscient de l'inquiétude provoquée par l'usage dévoyé de la science, FD nous propose ses réflexions, toujours aussi pragmatiques sur ce qui fait question : nucléaire, biologie, etc. Il partage nos réserves quand il dit "La puissance militaire ne devrait jamais être confondue avec la vertu morale et les chefs militaires ne devraient jamais se voir confier des armes de destruction massive". Problème toujours aussi actuel et dans lequel il n'hésite pas à souligner la responsabilité des scientifiques.
Ses "portraits" de scientifiques, de pacifistes, de généraux, etc., sont l'occasion de réflexions personnelles qui peu à peu construisent sa vision de la société. Elle le conduit à rejeter tout système, toute philosophie globale, dont il constate qu'ils ferment le monde plutôt qu'ils ne l'ouvrent. Il voit dans les systèmes, les théories physiques qu'un moment de notre compréhension du monde et de sa description, mais rien de "vrai" ni d'absolu. Autant dire que, s'il est tolérant vis-à-vis de la foi religieuse, il n'en est pas pour autant un adepte : "la science porte sur les choses et la théologie sur les mots". Notons, parmi ses portraits, celui de Richard Feynman qui est sans doute un des plus convaincants et des plus riches. Mais il est à noter que son respect pour ces hommes d'exception ne va pas jusqu'à les idéaliser...
Un très beau livre, tout d'intelligence, ce qui ne convient sans doute pas à tous les lecteurs...
Page 161 sur 314