"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Clemenceau, c'est un peu après le Big Bang, non ? A une époque où l'énergie était dense, les interactions violentes. Heureusement, maintenant on est "normal", aimable et bienséant, tout ce que n'était pas Clemenceau. Mais lui, il savait ce qu'il voulait... la guerre, quand les Français commençaient à douter.
FG a écrit là une brève biographie remarquable, sur un homme d'Etat exceptionnel dont les actes et le verbe ont changé le cours du destin. Certes, il n'était pas facile ; il avait du caractère. Bref, il était plus que "normal", ce qui paraît indispensable pour diriger et prendre des décisions qui ne fluctuent pas en fonction de l'humeur des foules et en particulier de ceux qui hurlent plus que les autres. Il n'hésitera pas, par exemple le 1er novembre 1919, pour assurer l'ordre, à faire charger sabre au clair les veuves et les mutilés de guerre.
Ce livre est aussi une porte sur la 3e République, ses procédures et ses éclats, ses hommes politiques, sa caste guerrière dont les rapports avec Clemenceau n'ont pas toujours été fameux. La guerre est une chose trop sérieuse pour être confié aux militaires, dira-t-il. Clemenceau n'était pas un hobereau terrien, mais un homme du siècle industriel en mutation. Il avait pris conscience de l'importance du peuple ouvrier, tout en gardant ses distances avec les extrémismes.
Un livre passionnant sur une époque qui s'éloigne et sur un homme fort, un chef, comme il en naît parfois dans les périodes exceptionnelles.
La terre se met à tourner moins vite et devient, à moyen terme, impropre à la vie. A contre-courant, une adolescente découvre qu'elle aurait pu aimer cette vie qui s'échappe. Une sorte de tragédie pessimiste contemporaine, froide et désespérée.
L'affaire est peu vraisemblable : pour que la terre ralentisse, il faudrait qu'ailleurs, quelque chose d'énorme lui prenne son moment angulaire, ou que sa taille ou sa structure change ! Ca se verrait. Mais une fois cet événement accepté (tout le monde n'a pas mon respect pour le moment angulaire), l'affaire est bien menée et, il me semble, assez vraisemblable quant aux conséquences de ce ralentissement qui, à terme, rend la vie impossible.
Une adolescente, auteur de ce journal, sage et solitaire, découvre la vie. Elle prend conscience de la beauté de ce monde, de son affection pour certains êtres et de son indifférence à d'autres, de l'instabilité des sentiments, de la fragilité des liens entre les hommes. Et, bien entendu, elle découvre l'amour, mais dans les conditions éprouvantes de ce monde en ruine. Une sorte de roman d'initiation au crépuscule...
Le tout est dit sans emphase, froidement, calmement, presque avec une recherche de banalité d'expression. Cela renforce la fatalité inexorable de l'intrigue de ce récit. Chaque mot apporte sa charge d'inquiétude, d'écrasement, jusqu'à la perspective, devenue évidente, qu'un miracle seul puisse dévier le destin. Mais nul ne croit plus aux miracles. Alors, on ravaude sa vie.
Ce roman est bien de son temps, en ce qu'il se démarque du fantastique "classique" par le fait qu'il n'est plus local. Il ne s'agit plus d'un esprit vengeur, d'un lac mystérieux, d'un miroir magique, mais d'un embrasement du monde entier, à l'image d'un cinéma américain populaire. Cela traduit sans doute une inquiétude relayée par les mythes millénaristes actuels. Soit...
Oubliez Rousseau et lisez Mo Yan. Vous comprendrez que l'homme est une sale bête et qui il construit sa société à son image. Et, même si tout cela se passe en Chine, nous saurions faire aussi bien.
Un chantier isolé, semi-disciplinaire, accueille pendant la ReVoCu quelques pauvres types pour construire une route improbable conduisant on ne sait où. Pauvreté extrême, quasi-famine, petits chefs, tout semblerait réuni pour le pire. Mais cette pauvreté n'est pas misère, la famine reste quasi et les petits chefs baissent les bas quand on ne leur obéit pas. Mo Yan est passé par là, car je soupçonne que la réalité de ces camps de travail devait être effroyable. Tout cela raconté avec un humour détaché, impayable et bien propre à notre excellent auteur.
Deux germes de passions vont, par les actes qu'ils suscitent, chambouler l'équilibre de ce monde fermé : la découverte d'un trésor et le passage de femelles chez ces mâles frustrés. Je suis certain que vous anticipez déjà les dégâts. Vous avez tout à fait raison, il va y en avoir.
Mo Yan, lunaire, gentiment délirant et drôle, ne faillit pas ! Bonne lecture. Voir aussi "Le maître a de plus en plus d'humour"
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