"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Cette longue nouvelle, retrouvée par hasard, a tout le charme des analyses psychologiques subtiles de SZ. On la lit d'un trait, pris par la tension du récit. Un bon moment !
Le thème est celui de l'impermanence du monde qui rend les passions et les engagements si fragiles aux yeux des amateurs d'absolu que nous sommes. L'amour, que s'étaient juré Louis et la belle épouse de son bienfaiteur, se dissoudra dans le temps et sortira rongé, déformé, désincarné de l'épreuve de l'absence.
SZ a toujours le même talent de savoir conduire l'intrigue à son climax et de lui trouver une chute qui n'est jamais de circonstance.
On peut et c'est mon cas préférer d'autres romans de SZ, comme "Le Monde d'hier", par exemple, ou ses biographies, comme "Marie-Antoinette" ; celui-ci reste néanmoins un bel exemple de son talent et un bien agréable cadeau pour les lecteurs que nous sommes.
Parler de la musique est difficile et se résume souvent, comme sur les pochettes de CD's, à une paraphrase faussement savante du contenu musical. C'est ici tout le contraire dans un texte sensible et intelligent à la portée de tous.
La musique d'abord. DB rappelle que c'est "le son plus la pensée", taillés dans le temps, ou aucun événement ne se dissocie de ce qui vient de se passer, ni de l'attente qu'il provoque.
Elle est aussi un exercice d'auto-discipline naturelle (sans laquelle il n'y aurait pas de musique) et par là même, une excellente école de contrôle de soi qui n'oblitère ni la sensibilité ni la spontanéité.
Lire la suite... Daniel Barenboim, La musique éveille le temps
Ce livre, sensible et délicat, nous parle de l'âge qui vient et du retentissement de ce fait inéluctable. Il nous dit surtout qu'un nouvel équilibre est possible, mais que chacun va devoir trouver le sien.
Autour de cette voie prépondérante, de nombreux sentiers sont ouverts, que l'on prend plaisir et intérêt à suivre avec l'auteur : l'amour, bien sûr, ou au moins son attente, la solitude, aussi grosse de félicités que d'angoisses, mais aussi la paix de l'esprit que peut conférer l'accord avec la nature (avec ici les paysages irlandais en toile de fond).
On se laissera également conduire sur le chemin d'une étrange relation d'amour, quasi maternel, non déclaré explicitement, entre Rosie et Min, sa tante un peu excessive. Relation toute en subtilité balançant sans cesse entre la compassion et l'exaspération et qui unit au plus profond d'elles-mêmes ces deux femmes, que tout ou presque sépare.
Ce qui, enfin, me parait remarquable ici est le style de NOF qui contribue à la facilité avec laquelle nous entrons dans ce roman. Un style du quotidien, pourrait-on dire, qui s'articule sur des mots simples, de tous les jours, des phrases courtes, une expression qui reste en toutes circonstances concrète, presque terre-à-terre, mais sans aucune vulgarité. Cela n'exclut pas une certaine complexité de l'architecture du roman dont les scènes en réseau demandent de l'attention.
Il faut aussi rendre hommage au talent dont NOF fait preuve dans la description des paysages de cette Irlande qu'elle aime. Ici, rien de romantique ni de grandiose. C'est plutôt l'esprit du haïkaï qui domine. La mer lèche les pierres, les feuilles mouillées brillent, la vue de la rivière est douce et nacrée, par exemple.
C'est donc à une avalanche d'instants mélancoliques et doux, inquiets ou heureux, pleins d'attente ou comblés que nous convie ce très beau roman.
Un roman d 'automne.
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