"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Voici un très gros roman d'espionnage, impressionnant par les détails qu'il donne de l'univers bien particulier des services de renseignement et des pratiques des marchands d'armes "officiels". En revanche, le texte foisonnant de personnages et riche de détails qui veulent ancrer l'intrigue dans la vie réelle, en rend la lecture un peu lourde...
Tout cela est-il réel ? Je n'ai aucune compétence pour en juger, mais il semble que l'auteur ait fait valider son intrigue par des spécialistes. Alors, acceptons d'y croire.
Un petit piment émotionnel supplémentaire est fourni par les drames de Bérégovoy et de la princesse Diana. Etait-ce bien nécessaire ?
Mais surtout, le ton du roman est pesant, noir, presque sinistre. Nul ne s'épanouit dans ce monde glauque ; tout le monde en revanche cherche à s'étourdir : argent, femmes, pouvoir, cruauté, etc. Se sent-on réellement impliqué ? Je suis, pour ma part, un peu resté en dehors d'une affaire qui me concerne très peu et dont l'issue ne me touche pas.
L'intrigue (l'élimination d'un agent qui en sait trop) est assez légère et ne provoque qu'assez peu nos cellules grises. Des faits s'accumulent et s'emboitent, mais notre capacité de projection est rarement sollicitée. Alors, on s'ennuie un peu, on passe des lignes, des paragraphes.
C'est donc en fin de compte sur l'analyse du fonctionnement des services de renseignement que repose l'intérêt du livre. Encore faut-il que cela vous concerne !
Il est hors de question de résumer ici cette pensée sage et puissante que Montaigne a élaborée dans un monde bouleversé par les guerres de religion de la fin du XVI s et dont la lecture reste d'un immense réconfort à notre époque. Il me semble en revanche important de signaler l'existence de cette traduction en français moderne, lisible sans effort, ni risque de contresens, qui met ce texte à la portée de "l'honnête" lecteur.
Encore un très beau roman d'AM, humain et souvent émouvant. Une histoire qui pourrait être vraie et qui documente à la fois un monde soviétique passé cruel et violent et aussi et peut-être surtout, des rapports humains éternels, dominés par l'égoïsme et l'oubli.
AM nous rappelle d'abord combien l'époque soviétique aura pesé d'un poids destructeur sur ce grand pays, au-delà de sa catastrophe économique et écologique. Fonder un avenir, une organisation sociale, sur une idéologie déconnectée des hommes réels, conduisait naturellement à leur mépris. Et pire, à leur destruction pure et simple quand l'espoir de leur faire prendre la forme du moule idéal se dissipait. AM n'intellectualise rien ; il montre à travers ses personnages, en particulier Volski et Mila, comment une société, une "civilisation", se détruit en détruisant par la contrainte et l'oubli, ceux qui la composent.
Il dresse aussi, à travers Iana et Vlad, un portrait cocasse et désabusé de la nouvelle Russie où l'égoïsme jouisseur et sans racine, à l'argent facile, donne, pour un temps, l'illusion d'une civilisation d'abondance confondue avec le capitalisme. Les réveils seront durs, ce que la crise actuelle souligne.
Mais surtout, c'est l'histoire tragique de Volski et Mila qui rend ce livre attachant. L'un et l'autre sont, à leur manière, des héros, ayant donné aux autres ce qu'ils pouvaient, jusqu'à leur intégrité physique, sans en recevoir aucune reconnaissance. La vie absurde et déshumanisée qu'ils seront obligés de vivre ne sera en rien allégée par les mérites de leur passé.
Le dépit de ce sort injuste, odieux, révoltant, ils s'accrochent à la vie, qu'ils veulent simple, discrète et utile aux autres. Ils vivent cet espoir à travers leur amour que rien ne détruira. Et quand le partage de leur destin sur cette terre devient impossible et que la mort et le goulag seront leur lot, il leur reste le ciel, vers lequel l'un et l'autre tourneront, ensemble, leurs regards. Cette image magnifique vaut, pour moi, pour un sceau d'espoir, qu'AM place sur les destins détruits par l'inhumanité du monde.
L'écriture est belle, agréable à lire ; parfois, peut-être, un peu moins de virtuosité (au début, par exemple) se coulerait mieux dans cette histoire simple et belle. C'est bien peu, par rapport à tout ce qui fait le très beau roman qu'AM nous livre ici.
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