"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
"L'obstination et l'ardeur des opinions sont la preuve la plus sûre de la bêtise" Montaigne, III,8
Sur le plus haut trône, on n'est jamais assis que sur son cul. (Montaigne)
Le Père Noël, qui, comme on sait, exauce nos souhaits, m'a livré cette anthologie thématique, recueil de courbes pleines, que l'art mathématique lui-même ne saurait mettre en formules. Cette fesse, dont on nous dit qu'elle a une face pourrait bien nous faire prendre l'un pour l'autre, ce qui vaut peut-être mieux que l'inverse ?
Restons calmes. Enfin raisonnablement, car qui le resterait trop trahirait à n'en pas douter un grave déficit hormonal. Après tout, notre but sur terre n'est-il pas, et cela seulement, de créer les conditions de la perpétuation de notre espèce, sans laquelle nous ne serions pas là pour en disserter ? Et si ces pleins et ces déliés, désespoir de la plume et de l'encre, y contribuent, même un peu, gloire à eux et reconnaissance éternelle.
Mais, au fait, ce livre ne contient-il pas, au contraire un terrible danger ? Bien sur, il doit pouvoir être mis entre toutes les mains, ou presque. Et bien j'affirme que c'est raté. Car cette fissure gracieuse, nul ne sait où elle conduit lorsqu'aucun indice de propriété incontestable ne l'accompagne. Elle reste fesse et ne présume pas une face. Et si au lieu de diriger nos coeurs vers l'accomplissement utile du devoir humain, elle nous engouffrait, fascinés par une beauté équivoque, dans l'abîme de la stérilité de l'attrait du même sexe ? Horreur et damnation ! Alors, de grâce, dans l'édition suivante, ajoutez cette légère touche de réassurance qu'apporterait la preuve, même discrète, que nous approchons bien de ce qui nous manque et nous complète, lorsque rien d'autre ne nous y aide.
Et après tout, faites ce que bon vous semble, il n'y a pas que des vieux cochons sur terre.!
L'histoire de Byzance (puis Constantinople, puis Istanbul) est peu (ou mal ?) enseignée. Ce "roman" tente de présenter d'une façon vivante les péripéties de cette histoire, si profondément liée à celle de l'Europe... jusqu'à en conclure, aux yeux de l'auteur, que la Turquie fait partie de l'Europe. Ce texte aide aussi à rendre à l'empire byzantin son apport considérable, scientifique, philosophique, artistique et littéraire, apport bien souvent attribué aux Turcs Seldjoukides.
Lire la suite... Gilles Martin-Chauffier, Le Roman de Constantinople
Joseph Roth (1894-1939) est Autrichien, un peu Polonais et juif, conscient de la montée de la barbarie après la chute des Habsbourg. Il publie en 1930, ce roman, transposition contemporaine et en Russie, du mythe de Job. Remarquablement écrit et précis (un roman HD !), ce texte magnifique conserve à nos yeux actuels, toute son humanité sensible.
Pour un croyant, c'est le Dieu qu'il révère qui le met à l'épreuve et le récompense, ici ou au-delà. La raison se révolte devant les lois impénétrables du dessein divin et leur cruauté, mais cette révolte est inutile et blasphématoire. La situation de JR, outre ses drames personnels, est en effet celle, par exemple de Stefan Zweig et pose la question du "pourquoi" de tant d'injustice. A cela aucune réponse rationnelle pour celui qui a la "grâce", autre que la soumission à son sort, soumission qui donne un sens à ce destin, mais aussi paix et réconfort, en dépit du poids qu'elle représente.
Pour un non-croyant, cette passivité est folle et indigne. Au lieu de se poser la question, naturelle, mais absurde, d'un "pourquoi", c'est celle d'un "comment" qui se pose. Comment en arrive-t-on là ? Des réponses rationnelles, au moins partielles, existent alors. Lisez, par exemple "George Mosse - Les racines intellectuelles du Troisième Reich".
JR sent bien que la révolte de Job est aussi l'expression d'un espoir. Celui que l'homme sait aménager par ses actes, au moins une partie de ce destin. Peut-être est-ce le sens de la fuite qui permettra de reprendre pied. Non, tout n'est sans doute pas dans les mains de l'éternel. Le poids de l'absence de grâce sera-t-il moins lourd que celui de la grâce ? Sans doute pas, mais il rendra à l'homme sa dignité.
Et c'est avec une infinie sympathie pour ses personnages que JR nous convie à les suivre, dans leurs oeuvres et dans leur pensée si souvent blessée, sans trancher la question spirituelle ici posée. Un livre émouvant et la description précise, détaillée, d'un monde qui s'éloigne.
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