"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Un roman passionnant, sans doute autobiographique, sur une Américaine, exilée du Sri Lanka, qui découvre à travers le filtre de sa tradition, pondérée par sa nouvelle existence, l'histoire dramatique de sa famille et celle des révolutions tamoules.
Triple plongée, donc, dans la culture cinghalaise et plus particulièrement tamoule, sur la terrible épopée des Tigres et sur l'exil dont l'impact est d'autant moins anodin que la culture d'origine est forte et structurante de la vie.
Notons au passage la part considérable faite par cette culture que nous connaissons si mal au mariage et la nostalgie qu'éprouve l'auteur face au remplacement de cet événement social de première grandeur par notre piètre mariage occidental. Un beau sujet de réflexion sur nos choix sociaux.
Réflexion nécessaire aussi, avant jugement, sur les engagements révolutionnaires des Tigres, sur leur bel idéal de liberté et d'indépendance et sur la montagne de cadavres qu'ils laissent derrière eux. Fanatiques ? Terroristes ? Patriotes ? Allons donc nous promener sur le Chemin des Dames pour respirer un air pur...
Quant à l'exil, on devrait remercier notre destin quand on en est préservé. L'ordre du monde auquel on a appartenu, auquel, enfant, on a confié son destin, perd sa part d'absolu, sa capacité de salut. Un autre ordre est là, qui ne s'appréhende plus par le coeur ni l'instinct ni la confiance sans bornes que procure l'évidence, mais par l'intelligence et la raison seulement. On peut en mourir. Ce roman, à petites touches, vous le fait comprendre avec beaucoup de sensibilité.
Un très beau livre, pour qui n'a pas la maladie des certitudes, ni de la foi.
Ce livre a été traduit en français sous le titre "Le monde post américain", préfacé par Hubert Védrine.
Après avoir ravi au Royaume-Uni la place de première puissance mondiale, les USA, victimes du succès de leur modèle, voient se lever dans le monde des états puissants et ambitieux, comme l'Inde, la Chine, le Brésil,etc. Comment peuvent (ou doivent)-ils réagir ? Cet excellent essai, écrit par un américain d'origine indienne, donne des pistes.
La position hégémonique fascine. Qui n'a rêvé, quand il en avait (ou croyait en avoir) les moyens, de s'y installer ? La Grèce, Rome, les Empires européens, Napoléon, Hitler, Staline... Avec la même issue que décrit si bien Paul Kennedy dans son livre "The rise and fall of the great powers", un risque de se croire responsable de tout, de tout vouloir faire et contrôler, jusqu'à l'épuisement, souvent conclu par un revers militaire grave. Les USA ne relèvent-ils pas aujourd'hui de ce schéma ?
Non, répond FZ. Certes, le "Reste" (tous ces pays en progrès rapide) impressionne, mais les USA ont une telle puissance, une telle capacité d'adaptation et une telle imagination qu'ils ont les moyens de garder une place majeure dans ce monde nouveau. Place hégémonique, à la Bush fils, dans sa lutte contre "l'axe du mal" ? Certainement pas. Mais une place de "marieur", de "broker" diplomatique dit FZ, nouant les fils, présent partout, partageant une expérience avec ceux qui la souhaitent, sans l'imposer, comme il le fait d'ailleurs déjà à l'appel de certains, comme l'Europe au Kosovo. Encore faut-il que les USA retrouvent une légitimité en partie perdue et s'appuient sur le fait que, pour le monde, ils sont plus qu'une force armée.
FZ souligne les chances et les conditions de succès d'une telle stratégie dans son essai, en notant que le monde actuel, contrairement à celui du passé, est composé d'Etats qui cherchent à s'y intégrer, beaucoup plus que d'Etats messianiques forts d'une "vérité" qui exclut d'autres Etats. Que les réactions extrémistes de certaines factions islamistes ne nous cachent pas l'attente profonde des peuples !
Notons aussi au passage la vision de FZ qui pense la Chine moins stable à terme par sa rigidité centralisée que l'Inde souple et pagailleuse, mais capable d'encaisser de mauvais coups. Ne pourrait-on pas, remarque personnelle, pousser cette comparaison au cas de l'Allemagne et de l'Italie dans notre Europe en bouleversement ?
Cet essai remarquable, l'est peut-être en partie par la posture que peut prendre FZ, à la fois proche des USA (il en est citoyen) et en même temps plus distanciée en raison de son origine indienne. A lire !
Récit original, qui fait vivre devant nous de jeunes ouvriers russes, exilés sur des terres lointaines et peu hospitalières de l'URSS, les Iles Kouriles, à la recherche de pétrole ou de poisson.
L'arrivée d'un navire chargé d'oranges du Maroc va être le prétexte à une considérable effervescence, dans un univers morne, où règne un peu d'espoir d'en sortir, mais surtout beaucoup d'alcool et toutes ses conséquences. Tout cela en 1960, où l'URSS avait encore un avenir.
Ce roman a la chaleur de la vie, déraisonnable souvent ou excessive, mais débordante de jeunesse et pleine de projets. Toute occasion de fête (mais dans un certain rituel de la collectivité) est saisie à bras le corps. Alors, aller chercher ses 4 kg d'oranges, on y court ! Belle occasion de discuter, de boire un coup (ou 2) et d'aimer.
Le style direct, presque brutal, contribue au réalisme du livre. Phrases courtes, vocabulaire populaire, tout cela aussi fluctuant, voire erratique que la pensée de nos jeunes ouvriers. Beaucoup d'humour en demi-teinte sans acrimonie nous aide à lire d'un trait ce sympathique livre.
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