"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
"L'obstination et l'ardeur des opinions sont la preuve la plus sûre de la bêtise" Montaigne, III,8
Soyons rassurés : ce n'est pas par ce qu'on trouve des solutions rationnelles aux mythes féconds qu'ils cessent de l'être. Sinon qu'adviendrait-il de nos religions et de nos lendemains qui chantent ? Ce qui n'empêche nullement de passer un bon moment constructif-déconstructif à la lecture de ce court roman historique.
L'auteur, en moins de 100 pages, mène l'enquête. Que sait-on de certain dans cette affaire (elle date du début du 18e s.) ? Qui a dit ou écrit quoi et surtout, quelle hypothèse heurte le moins la vraisemblance historique ? La pelote va se dénouer sous notre regard pour conduire à quelque chose qui tient debout, même si ceux qui auraient pu confirmer sont morts depuis bien longtemps.
Après les 29 grands romans, les 205 livres et articles et les 22 films sur le sujet, ne craignons pas un instant que la source ne soit tarie. De preuve irréfutable (irréfragable ?), il n'y a pas et l'imagination a besoin de tels appuis pour s'envoler. J'y contribuerai d'ailleurs modestement en suggérant à l'auteur un vrai roman historique de 600 pages, construit sur sa solution, bien riche de faits incontrôlables, mais plausibles, de la fesse, de l'honneur, du panache et de l'humour... Il sait si bien le faire : faites donc une recherche ici ou ailleurs sur l'auteur. Et, pourquoi pas, un film ?
En attendant cette parousie, contentons-nous du charmant squelette offert démasqué, qui se lit avec un plaisir incontestable, car, comme le dit un historien "In the mystery of the Iron Mask, there is finally more irony than iron..."
Ce livre écrit au 1er s. avant notre ère conforte notre sens d'une permanence profonde des comportements humains à travers temps et espace. La structure sociale change et les rituels de cohésion aussi, mais la matière humaine dure.
Il s'agit de la part "biographies" d'un immense livre d'histoire chinois, référence encore incontournable de cette époque. Ces biographies sont assez brèves (10 pages environ) et comportent en général une appréciation par l'auteur (l'historien) des événements rapportés. Cette appréciation est en général ce qu'un bon confucéen devrait penser des faits décrits.
Ce qui me frappe est l'actualité de comportements dont l'habillage social a certes changé, mais pas le fond, mais aussi les jugements de "l'historien", qui reflètent une sagesse parfaitement intemporelle. Un tel n'est pas à la hauteur de sa fonction ? Nous aboutirions aujourd'hui à la même constatation. Affaire du jugement (non de principes ou d'idéologie) et de courage de l'affirmer.
De ces biographies se dégage la réflexion d'un homme, érudit et bien informé, sur le "bon" gouvernement. Certes l'inspirateur est Confucius, mais lorsque SQ affirme, par exemple, que gouverner par des lois n'est pas un bon gouvernement et n'incite pas les hommes à la vertu, mérite de s'y arrêter. SQ suggère plutôt de gouverner par des activités collectives, les "rites". Songeons, par exemple au mal que nous nous faisons en supprimant, sans les remplacer par autre chose, les "rites" comme le service militaire !
Ajoutons à cela la qualité du texte et la remarquable traduction, sans oublier une préface qui recadre bien ce remarquable livre.
L'homme, métis originaire de la Guadeloupe, est peu connu, mais mérite de l'être mieux, eu égard à ses talents intellectuels et physiques exceptionnels. Mais surtout cette biographie romancée rend vivante à nos yeux cette époque de la révolution française, mythifiée, mais guère mieux connue que notre chevalier.
Certains connaîtront peut-être le "Chevalier de St Georges" par la musique qu'il a laissée, dont une part modeste de sa production est disponible en enregistrement. On lui attribue sept opéras, plus d'une centaine de concertos, trois symphonies, douze quatuors à cordes, et plusieurs sonates... Il eut aussi un rôle clé dans la vie musicale de cette fin du 18e siècle, commandant à Haydn ses symphonies "parisiennes", animant un des meilleurs orchestres du temps, etc. Et pourtant, l'oubli est presque total.
Sa vie, de sa naissance "illégitime" à la Guadeloupe à son engagement comme colonel dans l'armée républicaine où une dénonciation calomnieuse brisera sa vie, en passant par ses succès parisiens (à l'épée, dans les salons, auprès des nobles et du peuple, auprès des femmes, y compris Marie-Antoinette) et son engagement vis-à-vis de ses frères de couleur, fera de lui un être exceptionnel, une improbable comète. Ce livre nous fait remarquablement vivre et partager ce parcours haletant.
Mais il nous donne aussi l'occasion de nous plonger dans les années qui précèdent la Révolution, l'aveuglement des nobles français, la misère que ni le roi ni son entourage ne voulaient voir, l'oubli du réel dans de folles dépenses de divertissement. La sanction fut-elle juste ? Sans doute, même si ses excès, ses injustices, son fanatisme ne plaident pas en sa faveur. Tout cela décrit dans un style vivant, certes romancé, mais qui se lit d'un trait.
Un excellent livre d'histoire, vivant et d'accès agréable.
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