"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Encore un bon Suter ! Comme toujours, un environnement très bien documenté (ici deux : la cuisine singhalaise et les Tigres Tamouls) et une intrigue originale qui s'y déploie. Et, pour nous, un superbe moment de lecture.
MS est fascinant de précision pour les milieux qu'il aborde, en tout cas pour mes yeux d'ignorant du sujet en question. Ici, il s'agit de la cuisine tamoule de Ceylan, dans sa version aphrodisiaque ! Soit. J'ignorais même son existence, mais je ne suis pas une référence.
En guise de preuve, MS fournit les recettes en appendice du livre. Il ne reste qu'à essayer, si la complexité ne vous rebute pas... et si vous en avez envie.
Il me semble d'ailleurs que MS s'intéresse de plus eu plus aux environnements, techniques et humains et un peu moins à l'intrigue qui est, ici, d'un niveau moyen. De plus, son incursion dans l'univers trouble des Tigres Tamouls parait bien superficielle.
Mais si la cuisine et ce qu'on peut en faire vous amusent, n'hésitez pas. C'est bluffant, bien écrit et vous garantit quelques heures d'agréable dépaysement.
L'image de La Fayette, en France, est voilée et confuse. Cette biographie nous montre qu'elle mérite mieux que cela et que cet aristocrate atypique, homme de médias avant la lettre, était prêt à sacrifier sa vie et ses biens à son idéal de liberté.
Il est d'abord un aristocrate fortuné, libre très jeune de ses mouvements, bien introduit à la cour. Ni cela, ni son mariage à 17 ans avec un beau parti, ne lui montent à la et tête. Et la confiance qu'il a en lui lui donne confiance dans tous les hommes, dans leur capacité à assumer et maîtriser leur destin.
Il devient un défenseur zélé de la liberté, de toutes les libertés : les émigrés d'Amérique face à l'Angleterre, certes, mais aussi les Noirs, les Polonais, les Italiens, etc. Et pour que cette liberté ait un contenant, c'est la forme de la nation indépendante qu'il choisit et défend, au mépris de ses intérêts personnels.
Il connait aussi, avant l'heure, le rôle des médias, des gestes qui convainquent. Il sauvera Marie-Antoinette en lui faisant un baise-main public, par exemple. Il aimera tant cette approbation des foules pour son intransigeance, qu'il ne voudra jamais saisir les offres qu'on lui fait pour prendre le pouvoir, qui est plus un terrain d'efficacité que de pureté.
C'est en Amérique que, de son vivant et encore aujourd'hui, cette image est la plus belle et la plus intense. Si cette biographie est juste, ce que je crois, La Fayette a joué un rôle essentiel dans l'indépendance américaine. Cette image, largement reconnue aux USA, n'est pas usurpée. L'affaire est beaucoup plus nuancée en Europe, où ce passeur des Lumières, zélateur intransigeant de la liberté, s'est fait, sous une révolution, un empire et demi et deux rois, plus d'ennemis, parfois mortels, qu'il n'est courant.
Il saura garder son honneur dans ces combats impitoyables, souvent sauvé par cette image populaire qu'il avait et que les hommes de pouvoir avaient besoin d'attirer en leur faveur.
Un livre utile, dont le style agréable en fait un bon moment de lecture.
Comme souvent avec JA, du bon, les 5 premiers chapitres, et du moins convaincant, une suite normative en forme d'oracle dont surnagent, à mon avis, quelques bonnes idées. Dommage que rien n'ait été fait dans les années 80, où la France était prospère et où l'auteur détenait une partie du pouvoir...
Les 5 premiers chapitres sont un historique, bien documenté, des dettes publiques des Etats et de leurs issues lorsqu'elles explosent. Ce rappel est excellent, mais laisse le lecteur sur sa faim. JA reconnait, en effet, que la prévision d'une défaillance souveraine ne se mesure pas aux paramètres simples habituels, comme dette /PIB. Seule, une simultanéité d'indices nourrit une crainte. A l'évidence, la France s'approche de ce point d'impuissance, sans même faire l'hypothèse d'une remontée des taux, qui accélérerait le phénomène. Il est bon de le rappeler, comme le fait d'ailleurs assez bien le chapitre 8 du livre en présentant des chiffres inquiétants.
Une réflexion utile me semble celle faite autour de la question : "Qu'est-ce qu'une bonne dette ?". La réponse est de bon sens et tourne autour de ce que la dette doit couvrir : des investissements (matériels ou immatériels) dirigés vers une amélioration de la nation sous tous les aspects (éducation, productivité, sécurité, etc.) sont de bons choix, que la dette peut en partie couvrir, car ils seront payés par les générations futures qui en bénéficieront. Le reste (les dépenses courantes en particulier : retraites, protection sociale, etc.) relève de la consommation de la génération qui le produit et ne doit pas être couvert par de la dette. Bien entendu, la classification n'est pas toujours aussi simple, mais le principe peut difficilement être discuté.
Quant aux envolées sur des instances internationales qui apporteraient sagesse et régulation à un monde en état de folie financière impunie, c'est, à mes yeux, à peu près n'importe quoi, au-delà du mépris de la démocratie dont cela témoigne. Notre pauvre Europe, qui détient un certain pouvoir, peu démocratique d'ailleurs, n'a rien fait jusqu'ici, sauf dépenser l'argent des contribuables dans un but financier et sans réelle équité (impunité des fauteurs de troubles). Et elle ignore pratiquement les contraintes économiques ; si elle ne le faisait pas, elle aurait répudié l'Euro, obstacle à la reprise économique des pays peu productifs et merveilleux cache-misère. Mais JA ne le dit pas, car il est financier et non économiste.
A lire quand même pour les 5 premiers chapitres !
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