"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
"L'obstination et l'ardeur des opinions sont la preuve la plus sûre de la bêtise" Montaigne, III,8
"Les seuls êtres pour lesquels nous serions prêts désormais, s'il le fallait absolument, à mettre en jeu notre existence sont d'abord et avant tout des humains, non plus des idéaux politiques ou religieux..." Loin de n'y voir qu'un naufrage des principes sacrés, l'auteur célèbre, au contraire, la naissance de la nouvelle source de valeurs en Occident, dont il montre l'ampleur qu'elle a déjà prise dans notre vie privée, sociale et politique.
Si l'on nomme "sacré" ce qui fonde ces valeurs et ce pour quoi l'on est prêt à tout sacrifier, même sa vie, force est de constater la justesse de cette observation : mariage d'inclination, sacralisation des enfants, droits de l'homme, principe de précaution, développement durable, aide humanitaire, ONG caritatives, répression des crimes contre l'humanité, etc. Tout cela, qui nous paraît aller de soi est très récent, historiquement. Y aurait-il donc alors dans l'amour (la compassion ?) un fondement pour une nouvelle morale et surtout (et c'est bien différent) matière à une nouvelle spiritualité laïque ? C'est la thèse de ce remarquable essai philosophique.
Un lourd secret à porter : une origine coréenne au Japon en 1923 ! Un récit poignant et paisible à la fois d'un secret que, par raison, on garde au fond de soi.
Ce qui aujourd'hui encore se voit au Japon, cette "distance" vis-à-vis de la Corée, était en 1923 une haine raciale, pure et dure. Et reconnaître une origine coréenne, une promesse d'échec social. Mariko (née Yonhi) fait le choix de ne pas révéler à qui que ce soit, y inclut ses enfants, qu'elle vient de ce monde honni et que, par chance, au coeur d'un drame, elle est devenue japonaise.
Ce roman touche ici un sujet délicat, celui des zones d'ombres qu'il faut ou non garder dans nos vies privées. A notre époque, où à peu près plus rien n'est privé, la réponse est "on dit tout". Nos origines parentales, nos maladies, nos préférences sexuelles, etc. Est-ce sage ? Mariko dit "non". Bien sûr, se libérer d'un secret est plus léger à porter que l'enfouir et permet de donner lieu au spectacle hypocrite de la "vérité qui triomphe".
L'écriture de ce roman est un plaisir pour le lecteur. Pas d'effet, de main sur le coeur, d'invitation à la compassion, de gémissement. Il aurait pourtant pu y conduire. Tout ici est paisible et déterminé, bien en ligne avec l'image du pays du matin calme. Un régal.
La physique, cette représentation universelle du monde, qui nous a donné un tel pouvoir sur lui, est loin, très loin, de son aboutissement. Ce livre fascine, non seulement par le rappel de l'acquis, mais surtout par les voies encore en cours d'exploration. Encore faut-il, pour le lire, une vraie curiosité et un certain bagage scientifique.
Une précision, d'abord. Le mot "science", "scientifique" que je viens d'employer, n'a à peu près plus aucun sens. Comme tous les termes qui ont eu leur heure de gloire par ce qu'ils ont permis d'accomplir, il a été récupéré par des savoirs où des modes de pensée qui en refusent les exigences, mais veulent se parer de son prestige. Le socialisme inhumain des marxistes était "scientifique", il existe des "sciences sociales", l'écoidéologie se prétend "scientifique", l'apocalypse climatique annoncée l'est par des "scientifiques", etc. J'éviterai donc ce terme dont la descente aux enfers de l'approximatif et de l'idéologie me navre, mais hélas s'impose dans notre langage et surtout dans notre pensée courante. Méfions-nous des "scientifiques" dont on parle, ici et là, car, sous l'habit de lumière qu'ils ont dérobé, se cache parfois un vieux sorcier ignorant, un alchimiste, un prêtre, un médicastre douteux ou autres charlatans, qui exploitent nos espoirs et nos peurs.
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