"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
"L'obstination et l'ardeur des opinions sont la preuve la plus sûre de la bêtise" Montaigne, III,8
Les enfants, derniers dieux des hommes, ont pris (insidieusement) le pouvoir. Ce qu'ils disent est absolument vrai (Outreau pas loin !), leurs souhaits sont des ordres, etc. Préserver leur santé est le plus haut des devoirs. Alors, fumer une clope, aux toilettes, au nez d'une gamine c'est grave !Très grave.
BD joue avec nos fantasmes de pureté sans compromis, de fanatisme idéologique écolo - bobo, qui a gagné jusqu'aux institutions. La justice, par exemple rappelle ici l'inquisition ou les procès soviétiques : je n'ai pas besoin de preuve ; puisque je le dis et que je suis du bon côté, c'est vrai. Puisque quelqu'un craint quelque chose, c'est qu'il y a un danger.
Ce monde imaginé par BD est une prolongation du nôtre, dans ses peurs absurdes, ses dogmes sans fondement (un dogme n'en a pas besoin !), dans sa recherche désespérée d'avoir quelque chose à croire. Nous n'en sommes plus si loin, quand on voit les institutions perdre leur sang-froid pour hurler avec les loups (Merkel accréditant la peur du nucléaire, Sarkozy gaspillant des sommes folles pour des nuages de CO2, sans parler des dérives des juges.
Dommage que ce roman soit d'une écriture aussi moyenne et d'une construction faite à la va-vite. Il perd une part importante de sa crédibilité, si tant est que BD eût l'intention de nous avertir du danger décrit.
Ce livre est à un grand roman ce qu'une balade en bateau-mouche est à une croisière. Agréable, sans grande surprise, propre à la détente et bref. On part sans inquiétude et on rentre sans tourment.
On apprécie l'ironie distante de BD à l'égard de ce monde des métiers intellectuels de la presse : critique littéraire ou de musique, pigiste occasionnel, correcteur, etc. Coups de patte sur la veulerie de certains, leurs prétentions, leurs moeurs.
Une écriture directe,coulante, mais assez lâche, rend la lecture rapide et facile. C'est parfait pour un moment de délassement.
"Avec le temps, la vie s'avère toujours plus forte qu'une doctrine abstraite", nous dit SZ en 1936, face à la montée du national-socialisme totalitaire. Et, quand ici il dit "la vie", c'est à son ingrédient majeur, la liberté de penser, qu'il fait allusion en l'illustrant par la lutte à mort menée par Calvin contre ses contradicteurs.
En effet, il n'y a pas, à ses yeux, de vie bonne sans liberté de penser et liberté de le dire et de l'écrire. Il y voit la dignité de l'homme autant que la condition de son progrès et de son épanouissement. Aucune doctrine, politique, scientifique, religieuse ou autre n'a de valeur absolue ni ne peut ni ne doit, s'exempter du questionnement sur sa validité. Les scientifiques le savent, qui en ont fait leur outil et leur marque distinctive. Les autres en sont loin et lorsqu'ils veulent affirmer la prééminence de leur doctrine, toujours fragile intellectuellement, c'est par le recours à la violence et à la terreur qu'ils peuvent seulement le faire.
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