"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
FF n'est pas un nouveau venu en politique, ce que sa discrétion pourrait faire penser. Son livre tranche en revanche avec les doléances habituelles, que ce soit par le ton, les attendus, ou l'espoir qu'on y trouve. La France est frappée de déprime, écrit-il, mais pour hâter sa convalescence, elle ''peut supporter la vérité' !
Le ton, d'abord.
En dépit des couleuvres avalées, des urgences ressenties et de probables impatiences, l'auteur reste serein ; ce qui, d'ailleurs, concorde avec le personnage, lorsqu'il se montre publiquement. Par conséquent, ce livre n'est pas un pamphlet et se démarque des ''oeuvres'' journalistiques ou à la recherche du succès que l'on a pu trouver dans les rayons... y compris avec le livre, parfois un peu trop vibrant de N. Sarkozy. Direct, déterminé, mais sans emphase, avec discrétion même, voila comment on perçoit FF dans son livre.
Les attendus, ensuite.
FF rappelle d'abord sa déjà longue expérience politique. Plusieurs fois ministre, à des postes exposés (social, éducation, en particulier), il a néanmoins su, mieux que d'autres, conduire des réformes à leur terme (les retraites, par exemple, en 2003). Il a aussi eu le désagrément de mener presque à leur terme certaines autres, sans drame social, mais que la pusillanimité ambiante n'a pas permis du faire aboutir.
Il fait bien entendu, la même analyse de la situation que d'autres ont déjà faite, comme Baverez. La France, dans de nombreux domaines, a perdu son rang (pouvoir d'achat, école, université, recherche, attractivité de son modèle dans le monde). Il sait aussi que la mondialisation n'est pas une mode. Où serions-nous si l'Asie était restée là où sont encore l'Afrique ou le Moyen-Orient ?
Il courait le conservatisme pesant d'instances multiples en France, généralement socialisantes, mais pas seulement. Son expérience lui a montré que ce qui doit être fait peut l'être, si l'on s'en donne la peine.
Il sait, pour les avoir vécus, où sont les blocages ; mais, ce qui est ici original, est qu'il donne le sentiment que rien n'est insurmontable, comme il l'a prouvé dans des circonstances difficiles.
L'espoir, enfin.
La dernière remarque en est la matrice.
FF veut réconcilier les citoyens avec la politique. Le mécanisme de la perte de crédibilité des élus est, au fond, simple. Ils la retrouveront le jour où ils auront montré par leurs actes que c'est à travers la politique et ce qu'elle permet de faire que les problèmes ont des solutions.
Il aborde dans le livre quelques pistes concrètes. Notons par exemple :
- Une réforme constitutionnelle serait utile. La France a changé depuis 1945.
- La décentralisation doit être approfondie et le jacobinisme muselé.
- La démocratie sociale est à faire naître pour que les salariés se sentent représentés et que les syndicats, trop fragiles aujourd'hui, passent de la contestation à la proposition.
- L'intelligence (savoir, recherche, etc.) ne reçoit pas les soins qu'elle devrait. Recherche, université, doivent retrouver une position prioritaire dans les préoccupations des dirigeants. Il fait des propositions pratiques qui méritent d'être étudiées avec soin, car il sait de quoi il parle.
- Le chômage n'a pas été diminué par son traitement social. Ca ne suffit pas. Là aussi, de nombreuses pistes non explorées existent, qui sont ici présentées en référence souvent aux succès de nos voisins.
Bien entendu ses rapports avec J. Chirac sont abordés. Ils ne peuvent pas être bons. FF n'accepte pas l'immobilisme actuel, ni l'esprit méprisant et ingrat du "chef" qui aurait, soit dit en passant, bien du mal à faire référence à ses succès !
Car FF croit à la mission de la politique, ce qui 'est rafraîchissant à notre époque ! C'est cela qui l'a rapproché de N. Sarkozy, entre autres, car il pense qu'il agira. Un mariage de raison, en somme ?
Il serait dommage que les élections à venir ne donnent pas à cette équipe une chance de mettre ses propositions à l'épreuve. On sait trop bien, en dépit du tapage médiatique actuel et de ses faux pas habillés d'un sourire charmant, où la gauche française regarde : derrière elle.
Ma formation (lointaine !) de physicien me fait toujours accueillir avec intérêt les livres comme celui-là qui essaient de nous aider à comprendre ce qui, chez l'homme, est à l'oeuvre dans sa compréhension scientifique du monde.Et s'il est vrai que plus une lumière est violente, plus les ombres qu'elle projette sont profondes, il faut convenir que ce livre semble parfois prendre un peu plaisir à nous plonger dans l'ombre, surtout dans sa seconde partie.
Lire la suite... Jean-Marc Lévy-Leblond, La vitesse de l'ombre
L'exil, l'immigration comme on dit, a de tout temps été un sujet difficile à comprendre quand on ne l'a pas vécu. J'ai en mémoire le magnifique livre de Stefanie Zweig - une enfance africaine - qui parle de l'exil de juifs allemands en Afrique du Sud. On se souvient aussi des drames des Mann ou des Zweigs (Stefan), qui nous rappellent que l'exil a une histoire qui dépasse largement l'exil de pauvreté que nous vivons en ce moment. Et il n'y a jamais eu sur terre autant d'exilés... Ce roman, qui nous aide à comprendre, est donc utile.
Il n'en reste pas moins que cette banalisation du drame n'en réduit pas sa charge humaine. Ce livre nous prend par la main avec simplicité et nous montre que vivre loin, sans papier, sans ressource ou sans sécurité sociale, est un malheur difficile à vivre, sans compter la rupture affective qui s'y attache. Et si rentrer au pays signifie misère, voire risque vital, que faut-il faire ?
ChM montre aussi ce que cet éloignement apporte comme difficultés dans la famille de l'exilé. Sa place est vide ; il n'existe à peu près plus, surtout si ses ressources faiblissent. Le retour sera dur ...
Le roman nous fait aussi éprouver le contexte, que l'on qualifie parfois un peu vite de raciste, et qui fait s'entrechoquer des habitudes, des traditions difficilement compatibles. Des hommes, blancs ou noirs, qui croient que leurs choix sociaux, humains, économiques sont bons chercheront toujours à les défendre et ils seraient lâches de ne pas le faire. Que cela les conduise à dénoncer (comme dans le roman), ou à faire pire, devient un acte d'homme libre, qui, comme tel, doit être jugé. Mais ne rêvons pas, la conciliation paisible dans une société de modes de vie et de pensée formés par les siècles est une utopie dangereuse. Je crois pour ma part à une tolérance positive et limitée (je n'approuve pas, mais je tolère) et non à une tolérance négative (je ne choisis rien et j'approuve n'importe quoi).
ChM nous parle aussi avec talent de la société africaine et de ses enfermements tribaux, ethniques et traditionalistes. Hélas...
Bien structuré en petits chapitres courts, avec une intrigue à laquelle on peut ajouter foi, ce livre nous fait partager un problème grave de nos sociétés avec simplicité. C'est une réussite.
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