"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Ce livre sorti au "Mercure de France" en 1995 impressionne par les multiples prix reçus, ce qui n'est pas toujours positif sans réserve... Or, sa lecture a été pour moi un véritable plaisir. Je lui décerne donc aussi mon petit prix personnel et je vous invite à quelques heures agréables à sa lecture. Rien sans doute qui vous laissera marqué pour la vie, et c'est peu être aussi ce qui en fait le charme.
L'histoire est celle d'un jeune russe qui construit sa personnalité en recevant un gène que lui inocule sa "grand-mère" française. Absorption, rejet, assimilation, ces phases sont celles d'un parcours qui accompagne la maturité progressive du héros qui écrit son autobiographie. Cette francité nourrit ses aversions, mais aussi ses rêves et lui confère en fin de compte une personnalité riche et attachante.
Mais surtout le récit tient par l'atmosphère, elle totalement russe, qui en émane. Toujours un peu mélancolique, la description des paysages, de la vie d'un petit village sibérien à peine touché par la révolution, des hommes qui y vivent, tout cela sonne comme un enchantement aux mélodies feutrées et douces. L'intrigue y tient au fond une place bien modeste. La musique y a le premier rôle.
Vous aimez la musique ?
Éditions Folio 2934 (2001)
Ce livre veut montrer que la femme, aux premiers temps de l' Islam, avait un poids et une liberté qu'elle a aujourd'hui perdu. Il a été écrit entre 1985 et 1990 par une algérienne qui vit en France depuis 1980 et qui écrivait déjà pendant la guerre d'Algérie.
Son livre est constitué de petites histoires courtes portant toutes sur des femmes qui ont, à un titre ou un autre, vécu dans la mouvance du prophète. Femmes réelles ou imaginaires ? Elles sont en tous cas fortes, présentes, et ont chacune à sa manière un sens de la liberté qu'il serait difficile de mettre en œuvre aujourd'hui dans le monde musulman sur la défensive. Certaines sont chefs de guerre, d'autres prophétesses, d'autre "griot" du prophète Mahomet, ou encore reines de petites tribus.
Ce sont toutes des personnages au caractère marqué, volubiles comme sait l'être la méditerranéenne, aimant les mots et parfois le drame qu'ils décrivent avec véhémence. Cris, mélopées, imprécations, prières, en un mot tout ce que personnellement je considère comme la face archaïque de l'être humain en tribu, ivre de vérités révélées d'origine divine et donc irréconciliables avec celles du voisin. Une promesse de haine, de guerre, de rejet de l'autre.
Ce livre est intéressant et fort bien écrit, mais quel mauvais usage de cette force et de cette liberté il nous expose !
Éditions Livre de Poche No 13672 (1995)
Si ce roman,écrit en 1913, n'est pas ce que l'auteur a fait de mieux, il se lit cependant avec grand plaisir.
L'histoire est celle d'un jeune officier pauvre, qui éprouve une grande pitié pour une jeune (et riche !) infirme. Sentiment trouble et situation ambiguë où l'officier voit aussi son intérêt : être reçu par une famille aisée dans une ville de garnison où il est seul. Mais cette pitié déclenche chez l'infirme un amour violent dont l'issue sera tragique.
Cette intrigue est, pour moi, légère et peu captivante. Tout n'y est qu'excès sans atteindre à la démesure et la qualité tragique d' autres œuvres de l'auteur, comme "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme". Que cet officier ne sente pas dans quel guêpier il s'engage est peu crédible et qu'il prenne d'aussi mauvaises décisions quand le drame est avéré est fort artificiel.
Il reste le style superbe de l'auteur et la description de ce monde de garnison autrichien qui va disparaître dans la guerre imminente. Ce n'est déjà pas si mal...
Éditions Grasset - Les cahiers rouges 1987
Page 308 sur 322