"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Ce roman, de forme classique et écrit en 1904, présente en 500 pages la vie d'un état imaginaire indépendant d'amérique centrale, le Costaguana, dont à la fin du récit une région riche fera sécession, Sulaco. Conrad nous fait partager la vie d'un peuple ballotté entre ses gouvernants incapables, immoraux et corrompus, et un groupe d'européens exploitant une mine d'argent, seule richesse locale stable. La description des conditions de vie de ces hommes est incroyablement riche, sensible, et dégage une impression forte de vérité. De cette richesse émerge le profil de Nostromo, homme au caractère fort, qui impose sa volonté au peuple de Sulaco qui l'admire. Ce personnage, qui à bon escient doutera de son rôle d'intermédiaire, presqu'asservi aux intérêts des européens,succombera néanmoins à la force d'attraction de l'argent de la mine. Sa fin, en forme de châtiment, revêt l'absudité des choses de la vie...
Il serait difficile de noter tous les autres personnages qui apparaissent dans ce livre foisonnant. Notons au passage le docteur Monygham, européen réaliste et pessimiste, Charles Gould, le maître de la mine, idéaliste et dont on va reparler, son épouse lucide et sensible, Martin Decoud, illuminé visionnaire, les frères Moreno, aventuriers locaux "révolutionnaires" faisant le coup de feu pour leur poche et tant d'autres auxquels on croit.
Mais surtout, il me semble que ce livre propose une réflexion intelligente et parfaitement d'actualité sur le développement de ces pays instables, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il y en a encore beaucoup ! L'essence de ce débat est en gros la suivante : développer l'économie de ces pays en s'y enrichissant, y compris par la "colonisation", est un acte utile puisque cela oblige, en face de l'illégalité et du désordre existants, à y faire régner l'ordre et la sécurité sans lequel aucune industrie ne peut vivre, ni aucune institution s'établir. Et derrière, peut être, viendront la justice et la liberté. C'est l'idéal progressiste de Charles Gould que l'on qualifierait de libéral aujourd'hui.
En face s'oppose le thème pessimiste exprimé par le docteur Monygham : non, l'arrivée de l'argent corrompt et la rapacité des hommes en sera exacerbée. C'est, semble-t-il, la thèse de Conrad. Alors ? Au lecteur de forger sa propre position.
Un mot, encore sur la forme de ce livre. L'auteur joue, comme au cinéma, avec le temps : retours, incursions dans le futur, au milieu de plages plus classiques et linéaires. Cela oblige à une attention assez soutenue qui fait que l'on conserve de ce livre une impression plutôt forte et présente.
Un très beau livre qui va bien au delà du récit d'aventure réussit qu'il est aussi.
Éditions Folio classique (1992)
Jean Paul (1763 - 1825) donne là un de ces petits recueils que l'on garde auprès de soi pour trouver de temps en temps un moment agréable en sa compagnie. Le style est pétillant, d'un humour vif et qui touche au but, mais il va sans dire qu'il est impossible de le résumer !
Alors laissons la parole à Jean Paul :
- On est plus perméable aux autres qu'à soi-même.
- Les nation européennes ont une langue commune, celle des chiffres.
- Certains croient que Dieu n'existe qu'à la seule fin d'avoir été créés.
- Même dans l'écriture, il faut se résoudre à n'arriver nulle part.
- Un puceron a plus d'ancêtres qu'un éléphant.
- L'humilité est l'habit de gala que revêt la fierté quand elle est de sortie...
Cela vous donne peut-être envie d'en savoir plus ?
Éditions Rivages poche 239 (1998)
En 1979 Jimmy Carter disait " Nous avons toujours cru que nos enfants vivraient mieux que nous. Il est sans doute temps de se faire à l'idée que ce n'est plus vrai. "
La vision de l'avenir, aujourd'hui floue, trouble notre sérénité. Notre monde occidental est en rupture avec le mythe "moderne" du progrès conçu au 19ème s. et qui s'est peu à peu écroulé au 20ème à la suite de la 1ère guerre mondiale, puis de la seconde, et enfin des utopies de l'avenir radieux. Comment comprendre cette évolution, quelle leçon doit-on en tirer ? Voilà en quelques mots le sens de ce gros livre remarquable par l'ouverture de sa pensée et sa documentation.
Lire la suite... Pierre-André Taguieff, L'effacement de l'avenir
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