"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Michel Ruffin est un auteur , né un jour et bien vivant, ce qui explique qu'il ne soit pas encore au panthéon. Son excellent "guide" des 100 politiques ici nominés mérite en tous cas une grande considération pour quatre raisons principales.
D'abord, il fait souvent sourire, ce qui à notre époque devient un peu rare. La grande ironie grinçante ne manque pas. L'humour est plus rare , sans doute moins politiquement correct par la distance qu'il installe par rapport aux choses. Mais si l'on connaît un peu certains de ses modèles, on apprécie la justesse de la pique...ou du compliment et l'humour qui s'y cache. Que Monsieur Dumas (Roland) "marche moins bien depuis qu'il a trouvé chaussure à son pied" n'est pas mal venu, non ?
Jamais la phrase n'est méchante ni n'a pour but de blesser, enfin elle essaye de rester en deçà, sauf rares exceptions. C'est méritoire, la vacherie étant souvent plus facile. Dire que Martine Aubry "a initié la loi des 35 heures mais a refusé de faire des heures sup pour en surveiller la mise en œuvre" aurait pu être dit bien autrement !
Il attribue à chaque homme politique un degré de pratique de la langue de bois (parfois surprenant), assorti d'un dictionnaire d'icelle en fin de volume qui vaut à lui seul une lecture calme. Il ajoute à ses risques et périls une cote d'avenir, sport plutôt délicat.
Et surtout, si l'on sait que Michel Ruffin a cru au socialisme, qu'il a d'ailleurs essayé de concilier avec une dose raisonnable de capitalisme, on doit constater qu'il est assez peu dévoré par l'idéologie. Juppé a, à ses yeux, autant d'avenir que Jospin, et ne parle ni plus ni moins que lui la langue de bois. Même si une tendance à préférer ce que certains appellent encore la gauche perce sous la ligne, le partage des bonus et malus n'est pas plus injuste que celui de mon assurance.
Alors, voilà. Dépêchez-vous de vous cultiver, si vous voulez voter "intelligent" sous peu. Je veux dire ni J. ni C. Vous découvrirez qu'il y a d'autres hommes politiques, mais pas candidats, même si la moisson n'est pas très riche. Cela vous renforcera dans votre vote blanc. Et n'oubiez pas les illustrations de J. F. Batellier. En voici une pour vous faire plaisir...
L'auteur nous propose ici une série de contes "philosophiques" à la mode du 18ème siècle, supposés écrits de 2030 à la presque fin des temps. Un œil faussement naïf découvre et commente les mœurs actuelles sur un ton toujours léger mais sérieux et plein d'humour.
De la folie des sigles absurdes et envahissants (par exemple l'ACH - action catholique homosexuelle) aux droits vides, mais politiquement corrects tel le droit au bac en toutes circonstances, même les pires, en passant par les télévisions charriant la stupidité à pleines ondes, le domaine est certes vaste. Il me semble que la nouvelle "Les moustiques de Pissevaches" est un petit chef œuvre du genre, sans oublier "les fouilles de Guéret" où les fonctionnaires chinois ont une capacité visionnaire qui vaut bien celle de quelques éléments de pointe de notre administration.
Ce livre se lit (très vite) avec un grand plaisir et pointe de vrais problèmes sous son aspect enjoué. Un livre de bonne compagnie.
Éditions de Fallois 2002
Je viens de faire une première lecture de ce livre paru en 2001. Il m'en faudra d'autres pour en saisir toutes les facettes, en dépit d'un passé, certes lointain, de scientifique.
De quoi est-il question ? Rien moins que de proposer à "l'honnête homme" une vision des percées scientifiques récentes et de la compréhension de l'univers qui en résulte. L'auteur cherche ainsi à apporter des réponses nouvelles à de vieilles questions. Les plus fréquentes concernent le temps, comme par exemple : peut-on voyager dans le temps, peut-on prévoir l'avenir, qu'est ce que l'hitoire et est-elle unique ? Le poids de notre savoir en relativité et en mécanique quantique fait ainsi progresser sur le rude chemin de leur réponse, mais nous ne sommes pas au bout de notre peine. C'est même souvent les questions elles-mêmes qui se voient mises en cause, fondées à l'échelle de notre existence quotidienne, mais perdant parfois leur sens à l'échelle du très grand ou du très petit. Passionnant, bien que difficile d'accès pour ceux qui ont fait un trop court chemin dans le monde du savoir scientifique.
Ce livre pose indirectement une autre question, déjà abordée dans le livre de Roland Omnès, "Philosophie de la science contemporaine". Est-il possible de comprendre la formalisation mathématique croissante qui exprime les lois de la nature en dehors de notre échelle ? Est-il possible de visualiser ses prévisions dans notre cerveau ? Ceux qui ont quelque familiarité avec la mécanique quantique savent combien l'obligation d'abandonner notre "bon sens" pour comprendre quelque chose est frustrant. Et pourtant, le succès explicatif de cette théorie est prodigieux, lui conférant donc de la réalité ! Or, ce livre fait un effort considérable pour parler simplement de choses prequ'incompréhensibles pour le non initié. La gageure est elle tenue ? Difficile de l'affirmer.
Il n'en reste pas moins que les deux premiers chapitres, sorte de résumé de ce que le début du 20ème siècle nous a appris en matière de relativité et de mécanique quantique est un bagage culturel que devraient posséder "l'honnête homme" de notre temps. La suite ne peut être abordée qu'à ce prix. Mais elle le mérite.
Livre difficile et qui excite la réflexion.
Éditions Odile Jacob 2001
Page 305 sur 322