"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Voici un des romans les plus originaux que j'ai lu depuis longtemps. Deux chroniques s'y croisent avec simplicité et un parfum de vérité surprenant. L'une est celle de la vie d'une famille parisienne à l'époque de la guerre d'Algérie et l'autre, celle de la vie d'émigrés des Pays de l'Est à l'époque du communisme et de leur difficulté à se retrouver dans ce qu'ils sont devenus.
Ces deux chroniques, bien entendu, se croisent sans cesse autour de lieux parisiens qui, pour ceux qui en ont encore le souvenir, sont magnifiquement évoqués. Un Paris qui savait, sans savoir, ce que se passait en Algérie. Un Paris fasciné par un tiers-mondisme béat et culpabilisant, mais qui ne percevait que fort mal le basculement des valeurs historiques de la nation.
Et, de l'autre côté, ces émigrés du pays des rouges, de cette dictature révolutionnaire elle aussi fascinante. Certains la haïssaient parce qu'ils voyaient l'abîme de destruction que cette folie entrainait et d'autres, qui l'avaient trop aimé, s'en mordaient les doigts.
Tout cela est dit simplement, au quotidien, autour d'un bistrot. d'une table d'échec ou de baby-foot et nous touche par ses mille détails justes. Partager ainsi la vie de ces émigrés de l'Est est un superbe cadeau que nous fait JMG.
Nulle thèse, nulle idéologie, mais des faits, des situations bien racontés qui donnent à voir et à penser. Un vrai roman classique de très grande qualité qui se lit sans ennui, en dépit de sa taille considérable !
Si vous n'êtes pas spécialiste de symbologie ni expert en noétique, vous risquez fort de prendre ce livre pour ce qu'il est : une histoire de sorcières, un peu puérile, en forme de polard.
On frise souvent le grotesque dans l'étalage de mots creux, dénués de sens, mais permettant justement d'être remplis de n'importe quoi, comme toutes les fausses sciences et autres idéologies ou religions qui revêtent les habits de la science. Dans cet esprit, le laboratoire de "noétique" de la belle Katherine est un chef d'oeuvre d'abracadabrantesque. Des technologies vaseuses, mais d'un très haut niveau (sic), assemblées à cette occasion me paraissent relever plus de la maison de poupée qu'à autre chose...
Et le ton sentencieux du livre est insupportable. On nous répète, cent fois, que le puissant mystère des "savoirs anciens" s'il est percé, va bouleverser le monde. Lorsqu'il l'est, il fait moins de bruit qu'un pneu crevé. Ne dites à personne que 1 +1 font 2 ! La fin est d'ailleurs un pet foireux.
Les francs-maçons sont traités ici comme des clowns tristes et pompeux et je suis surpris que cette confrérie n'ait pas réagi à ce tissu d'âneries.
L'écriture, comme toujours chez DB est réussie et le polard se déroule bien.
Mais se laisser prendre par cette interminable incontinence verbale, non pour moi.
La prolifération de l'arme nucléaire effraie, à juste titre et tout particulièrement quand elle touche des Etats, où la perspective du suicide pourrait faire partie de la stratégie, ou, au moins, n'en n'est pas exclue. Cet excellent livre aide à y voir clair.
Le TNP (Traité de Non-Prolifération) est un bien faible bouclier. Son texte permet à Israël de ne pas faire partie des puissances nucléaires en toute légalité et d'échapper aux contrôles, par exemple. Les Etats nucléaires s'y étaient engagés à renoncer à l'arme atomique à terme ; on sait ce qu'il en est... Et ceux qui le violent délibérément trouvent une réaction bien molle en face d'eux. De plus, la frontière entre civil et militaire est floue et chacun joue là dessus. L'Iran le prouve. Enfin, au pire, sortir du TNP n'a que peu de conséquences.
L'idéal des créateurs de la bombe américaine, comme Oppenheimer, conscient du danger, était que ces techniques d'armes restent sous contrôle des Etats. Cela aussi est en train de s'effondrer, et c'est tout l'objet de ce remarquable livre, qui montre bien la dissémination croissante de ce savoir-faire.
En effet, plusieurs Etats, dont le Pakistan, ont développé l'arme nucléaire avec des méthodes fondées sur le vol délibéré de savoir-faire, qui, après la guerre de 1940, était assez mal protégé. Dans des Etats faibles comme celui-ci, ce ne sont pas les institutions qui dirigent, mais les hommes, laissant la porte ouverte à toutes les ambitions et à tous les excès. Au Pakistan, la fabrication de la bombe par Abdul Qadeer Khan, qui a été couvert et payé par quelques hommes puissants, a conduit à une appropriation quasi personnelle de ce secret par lui. De plus, il a réussi à s'approvisionner en équipement et en matière fissile par d'incroyables réseaux mondiaux, toujours en place.
Le résultat est que cet homme a, après l'aboutissement réussi de son entreprise au Pakistan, a décidé de vendre son savoir-faire et ses réseaux d'approvisionnement à tous ceux, Etats ou non, capable de le payer. D'où ce que l'on sait sur l'Iran, par exemple. Mais aussi tout ce que l'on ignore et où le livre propose quelques pistes.
Cet essai est particulièrement remarquable par sa documentation, qui justifie chaque affirmation, et par sa réflexion stratégique qui tente de donner un lien à tout ce qui est observé, tout en proposant quelques perspectives. Un essai indispensable pour tous ceux que la stratégie politique des Etats intéresse.
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