"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
"L'obstination et l'ardeur des opinions sont la preuve la plus sûre de la bêtise" Montaigne, III,8

Parler de la musique est difficile et se résume souvent, comme sur les pochettes de CD's, à une paraphrase faussement savante du contenu musical. C'est ici tout le contraire dans un texte sensible et intelligent à la portée de tous.
La musique d'abord. DB rappelle que c'est "le son plus la pensée", taillés dans le temps, ou aucun événement ne se dissocie de ce qui vient de se passer, ni de l'attente qu'il provoque.
Elle est aussi un exercice d'auto-discipline naturelle (sans laquelle il n'y aurait pas de musique) et par là même, une excellente école de contrôle de soi qui n'oblitère ni la sensibilité ni la spontanéité.
Lire la suite... Daniel Barenboim, La musique éveille le temps
Ce livre, sensible et délicat, nous parle de l'âge qui vient et du retentissement de ce fait inéluctable. Il nous dit surtout qu'un nouvel équilibre est possible, mais que chacun va devoir trouver le sien.
Autour de cette voie prépondérante, de nombreux sentiers sont ouverts, que l'on prend plaisir et intérêt à suivre avec l'auteur : l'amour, bien sûr, ou au moins son attente, la solitude, aussi grosse de félicités que d'angoisses, mais aussi la paix de l'esprit que peut conférer l'accord avec la nature (avec ici les paysages irlandais en toile de fond).
On se laissera également conduire sur le chemin d'une étrange relation d'amour, quasi maternel, non déclaré explicitement, entre Rosie et Min, sa tante un peu excessive. Relation toute en subtilité balançant sans cesse entre la compassion et l'exaspération et qui unit au plus profond d'elles-mêmes ces deux femmes, que tout ou presque sépare.
Ce qui, enfin, me parait remarquable ici est le style de NOF qui contribue à la facilité avec laquelle nous entrons dans ce roman. Un style du quotidien, pourrait-on dire, qui s'articule sur des mots simples, de tous les jours, des phrases courtes, une expression qui reste en toutes circonstances concrète, presque terre-à-terre, mais sans aucune vulgarité. Cela n'exclut pas une certaine complexité de l'architecture du roman dont les scènes en réseau demandent de l'attention.
Il faut aussi rendre hommage au talent dont NOF fait preuve dans la description des paysages de cette Irlande qu'elle aime. Ici, rien de romantique ni de grandiose. C'est plutôt l'esprit du haïkaï qui domine. La mer lèche les pierres, les feuilles mouillées brillent, la vue de la rivière est douce et nacrée, par exemple.
C'est donc à une avalanche d'instants mélancoliques et doux, inquiets ou heureux, pleins d'attente ou comblés que nous convie ce très beau roman.
Un roman d 'automne.

Le style de BD est direct, simple, construit sur des phases courtes, tournées vers l'action. Cela rend la lecture du roman agréable, même si le sujet (l'obéissance à des ordres inhumains) n'est pas fait pour l'être.
C'est, au fond, un roman sur la "banalité du mal", pour reprendre une expression qui a eu un certain succès. Le mal, ici, est la complaisance du "héros" à son métier de policier politique, qui attend de lui des actes départis d'humanité.
DD montre bien comment, du jeune juriste, va peu à peu naître le policier sans âme, machine de précision au service d'idéologies successives. Car il servira aussi bien la France de Pétain que celle de De Gaulle, et finira sa carrière dans les honneurs.
Il n'est d'ailleurs pas un cas unique et les portraits qui traversent le livre valent à eux seuls sa lecture. Certes, il s'agit d'une fiction et non d'un livre d'histoire. Il est cependant permis de supposer, au vu de la documentation qui a servi de référence, que l'histoire réelle ne doit pas être bien différente.
Au-delà du roman, agréable à lire et qui contribue à éclairer une époque (deux, devrais-je dire...), se pose bien entendu la question de fond : qu'aurions-nous fait à la place de ce salaud ordinaire ? Le mythe de l'homme naturellement bon me parait un idéalisme dangereux et il est bien difficile de ne jamais hurler avec les loups. Cela ne suffit certes pas à bâtir une éthique, mais ne jugeons pas trop vite. Bien et mal ? N'est-ce pas souvent l'un qui fait naître l'autre ? C'est la maitrise de leur équilibre qu'il faut atteindre, plutôt que se voiler la face ou se payer de mots. Comme en beaucoup de choses, l'excès est le pire danger et c'est surtout de cela qu'il faut savoir se garder.
Une lecture très intéressante.
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