"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
Deux conseils : Lisez ce livre (écrit en 1968), mais commencez par l'appendice page 181 ; un rappel d'histoire, aussi tourmentée, n'est pas inutile.
Nous avons tous en tête le foisonnement artistique qui a eu lieu sous cette brève première expérience démocratique allemande. La peinture expressionniste (Grosz ou Dix, par exemple), le Bauhaus, Th. Mann ou Brecht, le dodécaphonisme triomphant, Nosferatu et l'Ange Bleu, etc. Encore ne faut-il pas oublier tout ce qui existait avant la guerre dans ce domaine, et qui, à mon avis, sans cultiver ce sens du morbide, de l'excessif du déréglé, est d'une plus grande qualité et a laissé des traces plus profondes : fauvisme, impressionnisme, (en Allemagne "Der blaue Reiter" et "Die Brücke"), l'atonalisme et la naissance du dodécaphonisme, etc. Ni oublier que l'expressionnisme n'empêchait en rien ses membres, comme Emil Nolde, de s'inscrire au parti nazi ni d'affirmer leur antisémitisme.
Ce que ce livre met bien en relief, c'est la tragique impréparation des allemands en 1919 à vivre en démocratie, voués jusqu'ici à des régimes impériaux où le sommet pensait pour eux. La liberté oblige à des compromis que refusaient ces âmes encore éprises d'un idéal souvent brumeux de "Kultur" allemande, fait de mythes et de héros, consciemment déraisonnable, proclamant sa xénophobie et son racisme (qui ne date pas d'Hitler), mais tellement supérieur... Les intellectuels et l'université mépriseront cette république naissante, comme Thomas Mann qui changera d'ailleurs d'avis ensuite, ou comme ceux qui ont vu dans l'idéologie marxiste ce qu'ils avaient envie d'y trouver, leur donnant ainsi l'occasion de trahir en bonne conscience la fragile expérience démocratique allemande. Mais n'exagérons pas le rôle des intellectuels... Les déchirements internes de la gauche allemande seraient venus à bout à eux seuls d'un état plus mûr !
Ce que ce livre en revanche ne met pas bien en évidence, c'est que Weimar est mort d'abord de son échec économique, et que pour cette simple raison, ce régime n'était pas viable. Ce n'est pas Hitler qui a pris le pouvoir, c'est Weimar impuissant à nourrir son pays qui le lui a donné. La contribution des alliés à ce massacre est aujourd'hui bien connue :des "réparations de guerre" qui auraient été insupportables pour une économie saine, mettaient l'Allemagne épuisée par la guerre et donc sa république à genoux. Une inflation folle (un pain à mille milliards de marks) en 1923 dont l'origine est le laisser aller et l'incompétence des élus fut une semonce grave. Le gouvernement Stresemann-Schart parut en prendre la mesure. Hélas, la deuxième semonce, la récession de 1929, fut mortelle pour un gouvernement Hindenburg incompétent sans doute, en tous cas débordé et surtout plus préoccupé de politique extérieure ou de gestion des fragiles coalitions politiques que de nourrir et de faire travailler le pays.
Il est certainement prétentieux de refaire l'histoire. Mais sans l'incompétence économique des dirigeants et sans la folle exigence irréaliste des "vainqueurs" ont peut penser que les idées auraient suivi un autre cours, et que l'Allemagne aurait suivi un autre chemin que que celui de son suicide.
Éditions : tel Gallimard (1995)
Saikaku conte ici cinq histoires d'amour contrarié, à l'issue souvent dramatique, dans le Japon du 17ème siècle, pays encore fermé et de structure féodale;
Il faut sans doute un interêt pour ce pays pour entrer dans ces rebondissements qui d'ailleurs souvent se terminent de façon abrupte. Mais, d'une part ce livre est plein d'une poésie 'naturelle' propre au Japon et à l'art des 'haiku', et surtout il nous propose un panorama de la vie, des valeurs et des coutumes du Japon d'alors, tout baigné d'une violence sans merci, d'un rigorisme presque fanatique et d'un bouddhisme très tolérant.
Ce livre est un des grands classiques historiques de la littérature japonaise, à laquelle, soit dit en passant, on s'attache encore plus à chaque nouvelle découverte qu'on y fait.
Éditions Gallimard, Connaissance de l'Orient (1979)
Ce livre japonais, écrit en 1686, est un véritable roman, un des tout premiers en date de ce pays. C'est d'ailleurs Saikaku qui créa ce genre au Japon et se rendit très célèbre, en particulier avec son livre " Cinq amoureuses ".
Une femme âgée, ancienne courtisane, raconte à des jeunes gens sa vie extraordinairement mouvementée, qui la conduira à la déchéance et en fin de compte à une paisible retraite dans un bien modeste ermitage. Le fil conducteur de cette existence est son 'amour de la volupté' dans un univers si différent du notre. Ballottée par une vie qu'elle voulait plus libre qu'il ne convenait en son temps, elle devient courtisane, profession beaucoup plus libre et acceptée qu'elle ne l'est de notre temps et dans nos contrées.Elle en sortira d'ailleurs souvent, pour y revenir occasionnellement, lorsque le son désir l'y pousse, ou, plus tard, lorsque tout simplement elle aura besoin de manger.
Ce livre est donc un récit haut en couleurs de cet univers du vieux Japon urbain du 17ème siècle, et tout particulièrement de ce monde des courtisanes, codé, structuré à l'extrême à la fois brillant et sordide. On y découvre combien il est difficile de conserver son 'classement' et que la descente de la longue échelle des rangs de valeur et de prestige est dure et impitoyable. Combien de fois n'avouera-t-elle pas son dégoût et la misère de sa condition, tout particulièrement à la fin de sa vie.
Mais tout au long de ce récit, accompagné de belles gravures, nous apprenons à rencontrer le monde japonais de la ville, ici Osaka. Nous y découvrons aussi la vie de cette classe émergeante du Japon d'alors, les petits entrepreneurs (les chônins) qui seront à l'origine de cette classe moyenne sans laquelle deux siècles plus tard le Japon n'aurait sans doute pas réussi son entrée fracassante dans le 20ème siècle.
Un grand plaisir de lecture, doublé d'un enrichissement de notre compréhension de cet insaisissable pays.
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